Le pouvoir d’achat est au bout de l'emploi edit
Nicolas Sarlozy a ouvert la boîte de Pandore du pouvoir d’achat et il va avoir bien du mal à la refermer. Le problème, pour lui, c’est que le pouvoir d’achat n’augmentera plus vite que lorsque le chômage aura diminué, et que cela va prendre beaucoup de temps, à supposer qu’il y parvienne.
Le pouvoir d’achat des Français est très exactement mesuré par le PIB. Il augmente essentiellement parce que de nouveaux moyens de production sont mis en place et grâce aux gains de productivité apportés soit par des innovations technologiques, soit par une meilleure organisation des entreprises et une meilleure utilisation des ressources. Tout ceci est lent, très lent, ce qui explique que le PIB augmente en moyenne d’environ 2% par an. Faire mieux est très difficile. Le progrès technologique est très largement mondial, nous ne pouvons qu’y contribuer modestement. Nos seules marges de manœuvre sont que les entreprises investissent plus ou que nous utilisions mieux nos ressources. S’il est une ressource que nous gaspillons scandaleusement, c’est le travail, j’y reviendrai.
Beaucoup de gens raisonnent différemment. Pour eux, augmenter le pouvoir d’achat est simple : il suffit de prendre à ceux qui en ont beaucoup – aux entreprises, en particulier, qui ont eu de jolis profits – et le donner à ceux qui en ont moins. Mais peser sur les entreprises revient, à terme, à réduire leurs investissements et les embauches, voire à encourager le mouvement de délocalisation. Par contre, il est vrai que la part du PIB qui revient aux salariés a diminué au début des années quatre-vingt, après avoir brutalement augmenté durant la décennie précédente. C’est ce que montre la figure ci-contre (Source : INSEE). De plus, comme l’a montré Laurence Boone, une partie importante des revenus salariaux ont été capturés par les impôts.
Alors, comment augmenter le pouvoir d’achat ? A court terme, seule une baisse importante des impôts sur le revenu pourrait avoir un effet. Mais comment financer une telle baisse ? Il y a différentes possibilités, toutes aussi décevantes les unes que les autres. On peut augmenter d’autres impôts. On a discuté de la TVA sociale. Cela revient à reprendre aussitôt ce que l’on a donné. L’effet est globalement nul mais très défavorable aux bas revenus qui ne paient pas d’impôts directs mais qui sont soumis à la TVA. Les impôts sur les entreprises, on l’a vu, vont aussi dans le mauvais sens. L’autre possibilité consiste à réduire les dépenses publiques. Non seulement c’est plus facile à dire qu’à faire, mais cela revient à prendre aux uns – les fonctionnaires – pour donner aux autres – les salariés du privé. On peut tourner et retourner le problème, il n’y a pas grand-chose à grappiller sur le court terme. Ceux qui espéraient voir leur situation changer rapidement ne peuvent qu’être déçus.
A plus long terme, par contre, les marges de manœuvre sont considérables. Il est possible de modifier la répartition du PIB et la figure ci-dessus montre comment. Le partage entre salaires et profits est l’objet des négociations salariales, et donc d’un rapport de force. En période de chômage massif, les employés sont mal placés pour hausser le ton. La figure illustre bien la situation : la baisse de la part du PIB allouée aux revenus salariaux a décliné au fur et à mesure où le taux de chômage a augmenté. Elle pourrait remonter très significativement si le taux de chômage était durablement ramené là où il devrait être, aux alentours de 4 ou 5%, comme ailleurs. L’Etat ne peut pas modifier directement cette répartition, sauf à contrôler à la fois le niveau des salaires et les emplois. On le voit bien avec le SMIC, qui comprime l’échelle des salaires mais au détriment des personnes les moins qualifiées qui se retrouvent au chômage, et donc avec des revenus encore plus faibles. Mais, en créant les conditions d’une baisse durable du chômage, l’Etat peut indirectement créer les conditions d’une autre répartition des revenus.
L’autre marge de manœuvre, c’est la croissance. La France peut gagner des points de croissance en se spécialisant dans les activités les plus productives. Cela signifie que l’on délaisse les activités moins prometteuses dont beaucoup ont historiquement joué un rôle moteur. Cela signifie aussi que l’Etat cesse de rogner les ailes de l’activité économique en multipliant des réglementations qui ont, pour la plupart d’entre elles, de bonnes justifications mais dont l’impact sur la croissance est ignoré : tant de normes de sécurité ou de protection du consommateur, tant de règles administratives qui visent avant tout à faciliter la tâche de l’administration et à accroitre son pouvoir, tant de professions protégées pour des raisons inavouées !
Enfin, et surtout, aussi banale que soit l’observation, une personne active est infiniment plus productive qu’une personne au chômage. La clé de l’accélération de la croissance, et donc du pouvoir d’achat, est la baisse du chômage et donc la pleine utilisation de nos ressources humaines. Tout le reste est largement un détail. On peut ergoter sur l’indispensable protection des salariés, déplorer la pénibilité du travail, défendre les droits acquis, vouloir réduire l’arbitraire patronal, mais la baisse du chômage ne se fera pas sans quelques sacrifices et cela prendra du temps, sans doute au moins une décennie.
La baisse du chômage est une fin en soi, mais c’est aussi le principal moyen de faire évoluer le pouvoir d’achat, à tous les niveaux de revenu. La vraie bataille pour le pouvoir d’achat passe inévitablement par le retour au plein emploi. Travailler plus pour gagner plus c’est surtout plus de travail pour plus de création de revenus.
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