Le mystère de l'île de la Jatte edit
L'affaire est d'importance. Un candidat à la présidence de la République aurait bénéficié d'une ristourne importante de la part d'un promoteur lors de l'acquisition d'un appartement.
Le prix au m2 serait sous-estimé et des travaux auraient été financés par le promoteur sans être facturés au ménage Sarkozy. Au total, le Canard Enchaîné avance la somme de 300 000 Euros économisés par le couple sur l'achat d'un appartement de 876 000 Euros, soit 34 % de ce montant. Au moment où tant de ménages français souffrent de la hausse des prix de l'immobilier, sont poussés à s'éloigner du centre des villes pour trouver un logement à un prix abordable, cette annonce est du plus mauvais effet. Elle est de nature à décrédibiliser un peu plus la classe politique française, sans parler du candidat bien évidemment. Le doute qui s'est distillé est délétère. Il faut donc poursuivre l'investigation afin de faire éclater la vérité.
A cet égard, un élément de la démonstration manque cependant pour la rendre entièrement convaincante et je voudrais m'y attarder. Si ce cadeau était avéré, le couple aurait dû réaliser une plus-value beaucoup plus importante que la moyenne des biens comparables sur la période séparant l'acquisition et la vente du bien, à savoir septembre 1997 et novembre 2006. Ayant acheté en dessous du prix du marché et revendant au prix du marché, la plus-value devrait être manifestement plus importante que les plus-values immobilières réalisées à Neuilly au cours de la même période.
Le couple Sarkozy a revendu le bien en question 1 942 000 Euros soit une coquette plus-value de 122%. Mais à vrai dire, cette plus-value n'a rien d'exceptionnel si on la compare à celle que l'on obtient en consultant l'indice trimestriel des prix des logements anciens dans le département des Hauts-de-Seine sur le site de l'INSEE. Cet indice, fruit de la collaboration de l'INSEE et des Notaires de Paris, livre en ce qui concerne les appartements, l'indice 84,7 pour le troisième trimestre 1997, et 191,7 pour le troisième trimestre 2006, dernier chiffre connu et provisoire. Au dernier trimestre 2006, l'indice aurait été encore plus haut, mais quoi qu'il soit, on obtient déjà une hausse des prix de l'immobilier moyenne de 126 % supérieure à celle constatée pour l'appartement de l'île de la Jatte. Bien sûr, cette comparaison est assez grossière et elle demanderait à être affinée mais c'est la seule que l'on puisse faire en utilisant des données de la statistique publique. Ceux qui disposent des données immobilières des notaires peuvent consulter l'indice pour la commune de Neuilly et s'intéresser au micro-marché des duplex de plus de 200 m2.
Le résultat de la comparaison introduit donc un élément de doute dans l'explication avancée jusqu'ici. Peut-on blanchir pour autant Nicolas Sarkozy ? Au vu des données disponibles, quatre hypothèses peuvent être formulées.
- La plus simple tient dans l'invalidation de la thèse de la sous-évaluation du bien. La presse ne dispose alors que d'informations tronquées.
- La seconde explication plausible de l'apparente contradiction entre les informations du journal satirique et cette comparaison de plus-values pourrait résider dans ce que les travaux effectués ne correspondaient qu'au seul goût des acquéreurs.
- La troisième possibilité est que les Sarkozy ont bien bénéficié de largesses mais, conscients des difficultés qu'elles pouvaient représenter face aux échéances à venir, ils ont accepté de vendre en dessous du marché afin d'éviter qu'elles ne laissent une trace indélébile dans leur patrimoine. Le cadeau n'aurait été dans ce cas que transitoire et le propriétaire actuel des lieux en est donc l'heureux bénéficiaire.
- Enfin, mentionnons pour mémoire une dernière possibilité, la moins glorieuse mais aussi la plus risquée pour le couple, la vente aurait fait l'objet d'un dessous de table.
Si l'on souhaite écarter les deux dernières possibilités, il suffit de vérifier que l'appartement correspond bien au prix du marché en interrogeant les professionnels du secteur. Espérons pour la morale publique que la suite de l'histoire prouvera que la bonne hypothèse était bien la première. Mais au-delà de cet aspect, cette affaire amène à questionner le bien-fondé du transfert au maire de l'autorisation des permis de construire inscrit dans la loi Defferre de décentralisation (1983) qui autorise toutes les tentations, toutes les dérives et finalement tous les soupçons.
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