La droite existe-t-elle encore ? edit

14 mars 2012

Il y a en France deux grands partis et cinq électorats potentiels significatifs, mais y a-t-il encore une gauche et une droite ? La réponse à cette question est l’un des enjeux des prochaines élections. Pour ce qui est de la gauche, la réponse est aujourd’hui positive. Elle comprend deux électorats, l’un de gauche modérée, l’autre de gauche radicale qui, malgré leurs différences, se fondront dans l’électorat de François Hollande au deuxième tour de l’élection présidentielle à l’appel des organisations politiques qui la composent et qui ont passé entre elles des accords électoraux. Elle représente autour de 40% des suffrages exprimés, peut-être un peu plus à la veille de ces élections. Mais la droite existe-t-elle encore électoralement ? C’est toute la question.

Si l’on additionne les trois électorats du centre droit, de la droite modérée et de la droite radicale, l’ensemble représente à coup sûr la majorité de l’électorat, au moins 55%. S’ils se réunissaient au second tour sur le nom de Nicolas Sarkozy, celui-ci serait élu aisément. Or ce ne sera pas le cas. Pourquoi ? Il n’a que deux moyens pour la droite d’être unie au moment du vote décisif : soit d’être rassemblée pour l’essentiel au sein d’une seule organisation capable de représenter ses différentes sensibilités, soit d’être structurée par des accords politiques et électoraux passés entre les partis qui la composent. Or la disparition de l’UDF en 2002 et la progression du Front national ont abouti à une situation de désunion politique de la droite favorisant sa fragmentation. Celle-ci n’existe aujourd’hui ni politiquement ni électoralement.

Si les sondages laissent prévoir aujourd’hui une claire victoire du Parti socialiste et de son candidat, cela est dû à cette fragmentation de l’électorat de droite. Le candidat de l’UMP ne semble pas en mesure au premier tour de rassembler sur son nom beaucoup plus de la moitié de l’électorat de droite. Et, au tour décisif, cet électorat potentiel semble devoir perdre une part importante de sa substance électorale. En effet, à peine une moitié des électeurs de la droite et du centre qui n’auront pas voté pour Nicolas Sarkozy au premier tour voteront pour le président sortant au second tour. L’UMP se retrouve ainsi isolée et sans accords politiques sur ses deux ailes. C’est pour cette raison que Nicolas Sarkozy, au lieu de tenir un discours correspondant à la position qu’occupe son parti sur l’échiquier politique, tient un langage radical d’abord destiné à séduire cet électorat frontiste qu’il lui faut ramener au bercail UMP. Mais ce faisant, il se déporte sur sa droite découvrant son flanc gauche. Nicolas Sarkozy paie ainsi l’échec de l’UMP depuis qu’il en a pris le contrôle. Incapable de récupérer l’essentiel de la substance de l’UDF et surpris par une remontée du FN qu’il croyait avoir rendue impossible par sa victoire de 2007, il a perdu son point d ‘équilibre, étant alors incapable de rassembler une droite potentiellement majoritaire.

Ainsi, la signification même du mot droite, d’un point de vue électoral, est devenue faible. L’UMP ne peut la représenter à elle seule et pourtant elle n’a aucun accord avec les formations qui avec elle représentent la droite. Certes, l’UMP est totalement dominante au niveau des élections législatives du fait du mode de scrutin. Il est probable qu’elle représentera au moins 90% des députés de droite dans l’Assemblé élue en juin prochain. Mais son isolement provoquera néanmoins pour elle une défaite spectaculaire en nombre d’élus.

Pour l’avenir, l’UMP n’a pas d’autre choix que de réexaminer sa stratégie partisane car il est clair qu’elle ne réoccupera pas une position de domination suffisante à droite pour se passer d’un tel réexamen, qu’il s’agisse de refonder l’UMP ou de reconsidérer la question des alliances. L’une des réponses peut être l’instauration de primaires pour les élections présidentielles en tentant d’en faire des primaires de l’ensemble de la droite ou au moins de sa plus grande partie. Certes, les dirigeants de l’UMP peuvent espérer que le pouvoir usera rapidement les socialistes et qu’ils pourront à eux seuls les battre en 2017. Un tel espoir n’est pas insensé compte tenu du degré de volatilité de l’électorat et des difficultés qui attendent le PS. Mais une telle attitude serait à courte vue. La droite, pour exister solidement, électoralement et politiquement, doit se refonder d’une manière ou d’une autre. Seule l’UMP peut faire les premiers pas puisqu’elle est et restera le seul parti de droite capable de gagner une élection présidentielle. Dans le système partisan français de bipartisme imparfait, les deux grands partis ne peuvent conserver l’un et l’autre l’avantage que leur donne ce système que s’ils négocient leur domination avec les partis de leur camp… à moins qu’ils n’en aient plus besoin. Mais ils n’en sont pas (encore) là. Et, en tout cas, aujourd’hui, certainement pas l’UMP. À elle de réinventer politiquement, avec ses éventuels partenaires, une droite potentiellement majoritaire.