Le PS ne veut pas de burqa mais se voile la face edit

21 janvier 2010

L’affaire du port de la burqa en France pose une double question, l’une de fond, l’autre de méthode. Pour ce qui est du fond, deux positions sont apparues dans le débat récent. La première est que l’interdiction du port de la burqa constituerait un viol des droits fondamentaux de la personne et doit donc être combattue. La seconde est que le port du voile intégral est condamnable car incompatible avec les valeurs de la République. La seconde de ces positions est en réalité commune aux deux grands partis, le PS et l’UMP. Dès lors se pose la question de méthode : faut-il ou non légiférer pour interdire cette pratique ?

L’UMP, après divisions et hésitations semble finalement suivre Jean-François Copé sur le principe d’une loi, à condition que soient écartés au préalable les risques d’inconstitutionnalité et d’inapplicabilité pratique. Le PS s’est au contraire prononcé contre une loi. Outre les raisons qui recoupent les risques soulevés par l’UMP, il a avancé raison supplémentaire pour justifier sa position : le refus d’une « loi de circonstances », préconisant au contraire « une action publique contre le port du voile intégral respectueuse de notre État de droit et qui mobilise de façon résolue les principes et les moyens de la République ».

Cette position présente deux inconvénients pour le PS. Le premier résulte du caractère contradictoire de la position elle-même. Si les socialistes sont, comme l’a déclaré le porte-parole du parti, « totalement opposés à la burqa » et si celle-ci « est une prison pour les femmes » et si enfin « dans la République, elle n’a pas sa place », alors le refus de légiférer, pratique qui demeure la manière d’exprimer la « volonté générale » en république, est incompréhensible. L’argument de la « loi de circonstance » est peu défendable car il est difficile de traiter une question avant même que celle-ci se pose.

Le caractère contradictoire de sa position, qui l’affaiblit politiquement indéniablement, s’explique peut-être par le refus du PS de se joindre au mouvement initié par le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, en faveur d’une loi, refus qui génère un second inconvénient. On en revient en effet une fois de plus à la question de la manière dont l’opposition s’oppose.

Au moment où la direction du PS a débattu de cette question et pris position, la majorité était divisée. La proposition de légiférer présentée par Jean-François Copé a été mal prise par l’Elysée et la direction de l’UMP. Outre les questions de rivalités politiques personnelles, l’opposition de l’Elysée s’expliquait par une raison liée au fonctionnement habituel des institutions sous la Ve République. Dans un régime qui, depuis cinquante ans, a bridé systématiquement l’action du parlement, il est devenu presqu’outrecuidant de la part de celui-ci de prétendre exercer un droit que la constitution lui reconnaît pourtant, celui de l’initiative des lois, droit qu’il partage constitutionnellement avec le Premier ministre. La volonté du président du groupe UMP de prendre au sérieux l’idée de coproduction législative agace donc le pouvoir exécutif.

Dans ces conditions, de deux choses l’une pour le Parti socialiste : soit il s’opposait, comme il l’a fait, à la proposition de Jean-François Copé pour la raison qu’elle provenait de la majorité, poursuivant ainsi sa politique d’opposition systématique, politique dont les bénéfices politiques n’ont pas été évidents dans le passé, soit il profitait de la désunion chez l’adversaire pour avancer ses propres pions. C'est-à-dire que si, comme il ne cesse de le proclamer, sa priorité politique est de combattre « l’hyper présidence » de Nicolas Sarkozy et l’évolution présidentialiste de la Ve république, il a tout intérêt à participer à la constitution d’un vrai pouvoir parlementaire. Ceci passe alors par une attitude plus souple et plus ouverte à l’égard du groupe UMP, qui peut être d’opposition ou de collaboration selon les sujets et qui dans les circonstances actuelles aurait été d’imposer au président une loi d’origine parlementaire interdisant le port du voile intégral.

Puisque une mission d’information parlementaire interpartis sur le sujet a été instituée et n’a pas encore rendu ses conclusions, pourquoi le PS n’a-t-il pas attendu, avant de se prononcer contre une loi, de voir comment pourraient se dérouler les discussions entre les deux grands partis sur cette question, et éventuellement de se mettre d’accord sur l’élaboration d’une proposition de loi ?

Il est temps que le PS choisisse entre la construction d’un pouvoir parlementaire et l’opposition de principe à toute proposition de la majorité, d’où qu’elle émane. En refusant de voter en 2008 une révision constitutionnelle qui accroissait pourtant nettement les pouvoirs du Parlement, les socialistes ont pu nous faire douter de leur réel engagement en faveur d’une réévaluation du pouvoir parlementaire. Ils ont aujourd’hui une occasion de lever nos doutes en contribuant positivement à la recherche d’une position commune aboutissant à une loi d’origine parlementaire, s’ils sont véritablement opposés au port de la burqa dans notre pays.