Farewell ou au revoir? En quittant l’Union européenne edit

Feb. 6, 2020

Pour les uns, le Brexit est un événement à célébrer tandis que pour d’autres c’en est un à déplorer. Le gouvernement britannique dirigé par Boris Johnson nous promet un avenir radieux et une relation étroite avec l’Union européenne tout en divergeant d’avec les régulations et les standards européens pour tout futur accord commercial avec elle. Il promet en même temps un rapide accord commercial avec les États-Unis même s’il persiste à vouloir utiliser le chinois Huawei pour construire une partie du réseau britannique de la 5G.

Si la période depuis le référendum de 2016 a été une traversée sur des mers orageuses, ce que sera cette négociation des accords commerciaux est un grand point d’interrogation. Johnson promet qu’elle sera terminée à la fin de l’année. Le président de la Commission européenne en doute sérieusement et pense qu’il faudra établir des priorités. Il a mis la question hautement conflictuelle de la pêche en haut de son agenda. La position du gouvernement britannique est de nouer une relation aussi étroite que possible avec l’UE mais avec la possibilité de s’éloigner autant que nécessaire des standards européens, faisant ainsi écho à la formule « avoir le beurre et l’argent du beurre », vision qui persiste depuis le référendum. Du côté de l’Union européenne, il est clair qu’être en dehors de l’Union ne peut être la même chose qu’être dedans. Plus le Royaume-Uni voudra diverger des standards européens et plus la négociation des accords sera difficile. Ainsi, bien qu’il ne faille jamais dire jamais, la perspective d’un accord commercial finalisé à la fin de l’année 2020 paraît peu vraisemblable. Du coup, le spectre du no deal réapparaît même si, semble-t-il, ni le Royaume-Uni ni l’Union européenne ne le souhaitent.

Johnson peut compter sur la sécurité de sa position politique au Parlement. Le Parlement écossais a déjà exprimé son souhait d’un second référendum sur l’indépendance mais il a constamment rejeté cette idée. Le Parti travailliste a la tête dans le sable et tente de se relever de son désastreux résultat aux élections. Il va être occupé pendant trois mois à élire son nouveau dirigeant, l’actuel, Jeremy Corbyn étant plongé dans les affaires du parti et se consacrant peu à critiquer le gouvernement ou à marquer des points dans les domaines qui offrent quelque opportunité. Surtout, Johnson peut finalement clamer qu’il a rempli sa promesse du « Get Brexit done ». Et avec sa majorité parlementaire, il peut faire ce qu’il veut, même si certains signes montrent que des difficultés peuvent surgir de son propre parti, notamment les doutes de députés de base à l’égard d’une possible réalisation rapide du projet de liaison ferroviaire vers les Midlands et le nord ou l’attente des anciennes terres travaillistes devenues conservatrices de voir tenir la promesse de « level up the country ».

Tout cela ressemble à une accalmie avant la tempête. Johnson peut se réjouir de son succès sur le Brexit, déclarant autant qu’il le veut l’ouverture d’une ère nouvelle. Etant donné la manière dont fonctionne l’UE, les négociations sur le nouvel accord commercial ont peu de chances de démarrer avant le mois de mars, et que, bien que le Royaume-Uni puisse demander une extension de la période de transition avant juillet si c’est nécessaire, Johnson a toujours dit qu’il ne le ferait pas. Quant à Trump, fera-t-il passer la signature d’un accord commercial avec le Royaume-Uni avant son désir d’être réélu ?

Si c’est l’aube d’une ère nouvelle, les clivages qui ont divisé le pays n’en persistent pas moins et se sont même approfondis, notamment en Ecosse et en Irlande du nord. L’une et l’autre ont voté largement contre la sortie de l’UE et tandis que la première réclame un nouveau référendum d’indépendance la seconde se trouve elle-même obligée de se conformer aux régulations européennes avec une frontière effective entre elle et son propre pays. Les remainers continueront à souhaiter redevenir membres de l’UE tandis que les leavers attendent une aube nouvelle qui sans doute sera quelque peu agitée. Soigner ce pays divisé ne se fera pas en une nuit et il faudra bien une décennie pour que les blessures se referment.

Cependant, beaucoup dépend des négociations commerciales à venir. Pour ce qui concerne celles avec l’UE, il s’agit d’une situation « perdant-perdant » des deux côtés. Si le Royaume-Uni n’obtient pas une relation étroite avec l’UE, celle-ci aura perdu un important partenaire et l’un de ses principaux membres. Quant aux négociations avec les Etats-Unis, on peut prévoir qu’ils les domineront et se termineront à leur avantage. En quittant l’UE, la Grande-Bretagne redevient une petite île au large des côtes européennes. Son statut de joueur de classe mondiale s’en trouvera réduit. Le test pour Johnson, comme leader politique, sera de savoir si le pays deviendra la Grande-Bretagne ou la petite Angleterre, ce que certains pensent qu’il pourrait effectivement devenir.

Une petite note personnelle pour terminer : je ne suis plus aujourd’hui un citoyen européen mais mon attachement à l’Europe demeure aussi fort qu’avant. Je souhaite bonne chance à l’Union européenne, ses membres et ses institutions, en espérant que ce 31 janvier 2020 soit un au revoir et non pas un adieu.