Trump et les Démocrates: un combat incertain edit

29 septembre 2019

L’été 2019 restera dans les annales de la politique américaine comme le début prématuré mais intense d’une interminable campagne électorale dont le terme sera le scrutin présidentiel de novembre 2020 et dont les enjeux sont capitaux pour la démocratie américaine. C’est sans doute en raison de l’importance de ces enjeux que le président sortant Trump d’un côté et les candidats démocrates de l’autre se sont engagés dès maintenant  dans une série d’interventions et de débats dans un climat de confusion extrême.

Donald Trump a donné le signal de départ de sa campagne dès le mois de juillet en organisant une série de meetings dans les états les plus importants pour son éventuelle réélection comme l’Ohio ou la Pennsylvanie. Ce qui a surtout frappé les observateurs, c’est la teneur violemment raciste de ses déclarations. Il a sonné l’alarme une fois de plus sur la menace des immigrants venus de l’Amérique centrale et il a fustigé les quatre jeunes élues démocrates qui s’opposent à lui en insistant lourdement sur le fait que deux d’entre elles sont de confession musulmane. Il est apparu clairement que le thème directeur de ses interventions sera jusqu’à la fin l’opposition entre une majorité blanche de plus en plus menacée et des minorités noires et hispaniques de plus en plus envahissantes.

Un discours violent et xénophobe qui rassure l’électorat de Trump

Cette prise de position outrancière et qui tranche avec la prudence des précédents présidents républicains n’a pas déclenché de rejet de ses partisans. Au contraire, le taux de fidélité des électeurs républicains reste à un niveau élevé, de l’ordre de 85 à 90% selon les sondages. Il semble bien qu’une rhétorique ouvertement raciste et xénophobe mobilise efficacement l’électorat de base de Donald Trump.

Dans une étude approfondie menée par une équipe de journalistes du New York Times sous la rubrique « Upshot » et publiée dans ce quotidien le 20 juillet dernier, on constate que dans certains états-clés tels que le Wisconsin ou la Floride, l’adhésion au président n’a pas diminué depuis le scrutin de 2016. Elle s’est même parfois confortée. Certes le niveau d’adhésion reste inférieur à 50% mais cette relative faiblesse est compensée par un niveau d’abstention moins élevé que celui des opposants qui appartiennent à des catégories démographiques qui vont moins voter : les moins de 35 ans et les minorités noires et hispaniques.

Les auteurs de cette importante étude insistent aussi sur le fait qu’il existe dans ces états de véritables bastions électoraux où une population en majorité blanche et peu diplômée soutient massivement le président et lui est restée fidèle lors du dernier test en vraie grandeur, c’est-à-dire les midterms de 2018.

Il ne faut donc pas s’étonner du titre donné au travail du New York Times : « Notre analyse des sondages et des scrutins suggère que l’avantage de Trump au sein du collège électoral risque d’être plus important encore qu’en 20016 ».

Une autre source de force pour le président sortant est l’appui tout aussi massif de la communauté évangélique blanche qui représente environ 20% de la population et domine dans les états du Sud.

Dans un long reportage publié par le Washington Post du 20 août dernier, la spécialiste des questions religieuses du journal, Elisabeth Bruening, interroge des membres de la communauté évangélique du Texas. Elle constate que ceux-ci sont prêts à voter à nouveau pour Trump en dépit de ses abus de langage et d’un style de vie peu conforme à leurs valeurs. Pour eux, le président est le dernier rempart contre la vague de sécularisation qui menace leurs convictions et il a conquis leur confiance en nommant des juges ultra conservateurs à la Cour suprême et dans les cours d’appel fédérales. Comme les Blancs sans diplômes du Middle West, les évangéliques se considèrent comme une minorité menacée qui apprécie le langage brutal d’un président en guerre permanente contre les forces obscures qui veulent changer le mode de vie traditionnel des Américains. Dans les deux cas, on ne constate aucune forme de triomphalisme mais, au contraire, une peur du futur qui conduit ces deux catégories d’électeurs à se réfugier derrière un leader agressif qu’ils croient prêt à les défendre jusqu’au bout.

La tâche de l’opposition démocrate n’est donc pas aisée et les débats télévisés de l’été entre les 22 candidats aux primaires en ont fourni l’illustration. Outre la pléthore des candidats dont une demi-douzaine seulement a une réelle crédibilité, on a souligné les fortes divergences de programmes entre des personnalités plus à gauche comme Elisabeth Warren et Bernie, Sanders partisans d’une plus grande intervention de l’État, et un centriste comme Joe Biden qui reste en première position dans les sondages.

Toutefois, les études d’opinion menées notamment par le Pew Center montrent que la situation du parti Démocrate ne peut se limiter à une opposition entre deux lignes politiques. Seule une minorité des électeurs s’intéresse aux programmes et les questions de politique étrangère viennent au dernier rang de leurs  préoccupations. En revanche, il y a unanimité pour souhaiter la défaite de Trump. Par ailleurs, il semble que les critères démographiques jouent un rôle majeur dans les choix électoraux. Grâce à l’analyse du scrutin des midterms de 2018, on connaît bien les catégories qui s’opposent spontanément au président sortant. Ce sont les femmes diplômées, les moins de 35 ans, les habitants des grandes agglomérations,  les Afro-Américains, la majorité des Hispaniques. Pour eux, la priorité absolue est de choisir la personne qui les débarrassera de Trump et c’est ce qui explique que beaucoup soutiennent sans enthousiasme Joe Biden même s’ils sont en désaccord avec certaines de ses positions.

Les Démocrates à la recherche du candidat idéal

À partir de septembre, les débats télévisés entre postulants démocrates aux primaires se sont poursuivi avec un nombre de plus en plus limité d’intervenants car les faibles sondages et l’absence de financement vont éliminer la plupart d’entre eux. Qui sera le gagnant et donc l’adversaire du président sortant ? Il est évidemment impossible de le dire aujourd’hui.

Les observateurs s’accordent sur le fait qu’un candidat ayant du charisme et capable de mobiliser les électeurs sur un message d’espoir et de rassemblement, à l’opposé des attaques virulentes et de la stratégie de division de Trump, mobiliserait aisément toutes les familles démocrates, comme Obama a su le faire il y a onze ans et aurait une forte chance de gagner l’élection de novembre 2020. Malheureusement, on ne voit pas qui, parmi les favoris pourrait jouer ce rôle. Il existe donc un risque sérieux que le parti Démocrate présente finalement un candidat qui peine à convaincre les indécis ce qui laisserait toutes ses chances au sortant.

Un autre élément d’incertitude résulte de la décision de la majorité démocrate du Congrès, le 24 septembre, d’engager une procédure d’impeachment du président Trump, compte tenu notamment de son intervention en juillet dernier auprès du nouveau président de l’Ukraine pour l’inciter à mener une enquête judiciaire contre le candidat démocrate Joe Biden et son fils Hunter. Cette décision prise par la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, sous la pression de ses collègues constitue un pari risqué. Jusqu’à la semaine dernière, les sondages montraient que seuls 39% des électeurs étaient favorables à cette procédure. Depuis la publication par la presse des informations sur l’affaire ukrainienne, il semble qu’on assiste à un début de changement d’opinion. Quatre sondages publiés le 27 septembre indiquent que 46% seraient désormais favorables à l’impeachment contre 42% qui seraient hostiles. Le site de référence Five Thirty Eight estime que ce mouvement en faveur de l’impeachment pourrait se poursuivre, en raison des multiples révélations sur le comportement de Trump.

En revanche, il ne faudra pas compter sur le Sénat dominé par les Républicains pour donner son accord à une éventuelle destitution du président. Une longue bataille s’annonce donc qui peut tourner à l’avantage de Trump dans la mesure où lui-même et les médias qui le soutiennent le présentent comme la victime d’une odieuse persécution.

L’enjeu de ces élections est pourtant capital. Un second mandat de Trump serait forcément marqué par la poursuite des décisions dramatiques des quatre dernières années : l’annulation des réglementations des précédentes administrations en faveur de l’environnement et contre le réchauffement climatique, la nomination systématique de juges ultraconservateurs à la Cour suprême et dans les Cours fédérales, l’encouragement à toutes les formes de racisme et de xénophobie, l’appui à tous les autocrates de la planètes, une des rares constantes de la politique étrangère du président. Il est évident que l’Europe ne sortirait pas indemne d’un tel état des choses. Les liens entre nos pays et les États-Unis sont trop étroits pour qu’on puisse rester indifférent à ces péripéties électorales.