L’emprunt pour financer la dette ? edit

28 septembre 2009

Alors que la France s’apprête à lancer un emprunt « national », sans avoir clairement défini l’objet de cet emprunt, il est une question simple : en avons-nous les moyens ? D'un point de vue d'économiste, elle peut se poser en ces termes : la croissance promise avec le nouvel emprunt aidera-t-elle à stabiliser la dette ?

En deux ans, dette et déficit publics ont explosé. Le déficit était de 52 milliards d’euros en 2007 ou 2,7% du PIB, il est aujourd’hui, en 2009, estimé à 7’0% et 7,5% du PIB ou entre 135 et 140 milliards. Il a donc presque triplé en deux ans. La dette publique elle est passée d’un peu plus de 1250 milliards à près de 1430 milliards (de 65% à environ 75% du PIB).

Il est possible de distinguer la part de cette « dérive » due à des éléments conjoncturels –donc la crise, réelle et financière – de ce qui est plus structurel, soit une dérive chronique des dépenses et recettes. Sur un déficit évalué à 7,0~7,5% du PIB aujourd’hui, environ 2 points de PIB serait le résultat direct de la crise (d’après des estimations OCDE/CE), c'est-à-dire un peu moins de 40 milliards. Ces 40 milliards peuvent se diviser entre une vingtaine de milliards du plan de relance (tous les crédits d’impôts et facilité de trésorerie pour les entreprises, les crédits d’investissement n’ayant été que peu déboursés pour le moment), et une vingtaine de milliards venant de la baisse des recettes d’impôts en temps de crise (moins de consommation donc moins de TVA, moins de profits donc moins d’impôts sur les sociétés, pour schématiser en deux exemples).

Les 100 milliards restant sont « structurels », c'est-à-dire que même en période de croissance de 2%, avec une inflation modérée à 2% et des taux d’intérêt peu élevés, les administrations publiques dépensent mécaniquement 100 milliards de plus que ce qu’elles ne perçoivent de recettes, avant même d’avoir engagé la moindre dépense additionnelle ou la moindre baisse d’impôts. La conclusion de ce constat est effrayante : dans le cadre de ce scénario optimiste de croissance, en l’absence de privatisations ou autre opération financière, en partant d’une dette de 1430 milliards en 2009, on aura une dette de plus de 2000 milliards en 2015, soit 99% du PIB.

Le problème n’est pas d’avoir un niveau de dette élevé, le problème est que cette dette n’arrête pas de grossir sans pour autant financer des dépenses choisies, orientées vers le soutien de la croissance. Sur les dépenses (de l’Etat) financées par endettement, seuls 5% servent à financer des investissements, le reste étant réparti entre dépenses de fonctionnement (frais généraux, 15%), transferts sociaux (23%), salaires des fonctionnaires (plus de 40%) et charge de la dette (autrement dit le paiement des intérêts, 15%). Or plus la dette augmente – et on l’a montré, même hors grand emprunt, elle va continuer d’augmenter – plus la charge de la dette va augmenter. L’emprunt va finalement principalement servir à financer le coût de l’emprunt.

Pour arriver à stabiliser la dette, il faut soit que la croissance augmente rapidement (plus rapidement que les taux d’intérêt), soit que l’inflation augmente sans que les taux augmentent autant, soit dégager un excédent budgétaire –ce qui ne s’est pas vu depuis 1975.

Peut-on compter sur l’inflation pour alléger la note ? Avec de l’inflation à 4% sans hausse des taux, en période de croissance normale, on arrive effectivement à stabiliser presque aussi vite qu’avec un ajustement… mais au prix de la spoliation des épargnants dont la valeur de l’épargne est amenuisée par l’inflation. En outre, une telle inflation entraînerait sûrement une hausse des taux ; si l’on refait le calcul avec des taux nominaux à 6% (au lieu de 4% dans les expériences précédentes), alors la dette ne se stabilise plus, mais continue d’augmenter.

La croissance promise avec le nouvel emprunt aidera-t-elle à stabiliser la dette ? Si le taux de croissance passait à 3% sur les cinq prochaines années (ce qui ne s’est pas vu depuis le milieu des années 70), les déficits se réduiraient assez rapidement sur la période, mais néanmoins pas assez pour que la dette se stabilise à l’horizon 2015.

Au total, si l’inflation et la croissance contribueront à ralentir la hausse de la dette, seul un ajustement des dépenses pourra effectivement la stabiliser. En régime d’inflation et de croissance de croisière, il faudrait un ajustement de 2% du PIB par an (par exemple, doubler l’impôt sur le revenu) pour stabiliser la dette d’ici 2013.