Seules les primaires peuvent sauver le PS ! edit

6 juin 2011

Après avoir adopté en 2009 le principe d’une primaire ouverte pour désigner son candidat à l’élection présidentielle, le Parti socialiste semble traîner cette innovation comme un boulet. Certains socialistes voient dans l’usage de cette procédure un risque de déchirement du parti et un obstacle au rassemblement, d’autres, plus ou moins ouvertement, y voient une perte de contrôle de l’appareil sur le processus de désignation. Après le « tous derrière Strauss-Kahn », la direction du parti, à l’exception de la Première secrétaire elle-même, entonne le « tous derrière Aubry », une grande partie des dirigeants trouvant dans chaque situation nouvelle une raison nouvelle de renoncer aux primaires. Pourtant, les socialistes devraient comprendre que cette procédure constitue pour eux une ressource précieuse.

Il faut, avant de le montrer, souligner les deux graves conséquences que pourraient avoir pour le parti, du point de vue de l’opinion, la mise entre parenthèses de cette primaire afin de présenter la seule candidature de la Première secrétaire du parti. La première est que, ce faisant, ce parti semblerait se soucier comme d’une guigne des règles qu’il s’est lui-même données et que la grande majorité de ses adhérents ont ratifiées. La démocratie représentative se définit à la fois par le mécanisme de l’élection compétitive et par le respect des règles. Le Parti socialiste aurait bien tort de ne pas respecter pour lui-même les valeurs dont il se réclame et qu’il entend voire appliquées dans le pays. Le respect des règles ne peut dépendre d’une décision de simple opportunité.

Ensuite, tout montre que dans une époque de perte de confiance d’une partie croissante des citoyens dans le fonctionnement de notre démocratie, l’abandon ou la mise entre parenthèses de la primaire, dont les études d’opinion montrent qu’elle est populaire, serait ressentie tout simplement comme un déni de démocratie. D’ailleurs, en l’occurrence, les reproches adressés à la primaire ouverte pourraient aussi bien être adressés à la primaire fermée, sauf à décider que le candidat serait désigné souverainement par la direction avec une simple ratification par les militants ce qui ne fut le cas que pour François Mitterrand, mais dans des conditions exceptionnelles et à l’issue d’une compétition interne qui a duré plusieurs années.

Au-delà des arguments conjoncturels soulevés contre la primaire, il existe des arguments de fond en faveur de l’adoption de cette procédure. Le premier est que les appareils de partis éprouvent des difficultés croissantes pour désigner souverainement leurs candidats à l’élection présidentielle. L’enjeu est trop important et trop potentiellement facteur de divisions. Les appareils ont trop de mal à s’abstraire des enjeux de pouvoir internes pour se donner les meilleures chances de choisir le candidat le mieux à même de gagner l’élection présidentielle. La logique interne serait en effet de choisir comme candidat le Premier secrétaire ce qui n’est pas nécessairement le choix le plus efficace même s’il peut l’être parfois. Les Français n’aiment pas les appareils partisans et ils ne se prononcent pas d’abord en fonction des critères partisans.

Ensuite, la primaire ouverte, en donnant la parole aux sympathisants, présente deux avantages : d’abord, la mobilisation des sympathisants, puis le vote, permettent à la fois d’augmenter les chances de choisir un bon candidat, adapté à ce type d’élection, et de légitimer sa candidature. Dans la logique du régime de la Ve république, l’adéquation nécessaire entre un homme et un ensemble de propositions qu’il fait siennes se fait ainsi plus aisément grâce à une précampagne compétitive que par une désignation par l’appareil.

Ensuite, si l’on admet que les citoyens souhaitent dire leur mot dans le processus de désignation, le Parti socialiste aurait bien tort de renoncer à une procédure lui donnant une grande avance sur ses concurrents qui, eux, n’ont pas ou pas encore adopté cette procédure. Comment nier que le Parti socialiste, s’il parvient à organiser une compétition loyale qui entraînerait la mobilisation d’un très grand nombre d’électeurs, disposerait d’un atout considérable du point de vue de la légitimité de son candidat par rapport, en particulier, à ses concurrents de gauche ? Et, en cas de succès de cette primaire du point de vue de la mobilisation puis de victoire, n’est-ce pas le meilleur moyen de parvenir à terme à organiser une primaire unique au sein de l’ensemble de la gauche, ce qui mettrait sans doute celle-ci à l’abri du danger d’élimination au premier tour de l’élection présidentielle, comme ce fut le cas en 2002 ?

Si des socialistes craignent que la primaire provoque une division dommageable du parti –encore qu’il soit faux de confondre a priori compétition et division- celui-ci doit alors veiller sérieusement à l’organisation de la primaire de deux manières. D’une part en établissant un code de bonne conduite dont le non respect serait sanctionné par une instance interne. Ensuite en organisant, comme les deux grands partis américains, une grande convention à l’issue de la primaire qui aurait pour double objet de réaliser publiquement l’unité du parti derrière son candidat et de ratifier après débat sa plate-forme présidentielle. C’est ici que l’appareil du parti retrouverait une fonction éminente, et non pas en tentant de récupérer un pouvoir qu’il ne pourrait tenter de monopoliser qu’à ses dépens.