Les communistes à 100% dans l’opposition ? edit

18 février 2013

Lors de son récent congrès, le 36e, le Parti communiste français s’est clairement positionné comme une force d’opposition au pouvoir socialiste. Dans une interview au journal l’Humanité du 7 février 2012, sous le titre : « Il est urgent d’ouvrir une autre voie à gauche », Pierre Laurent, réélu à 100% Secrétaire général, a clairement défini la nouvelle ligne du parti. À 100% dans l’opposition ?

« Notre travail, a-t-il déclaré, a été décisif pour ancrer, au cœur de la majorité populaire qui a permis la victoire de François Hollande, une forte volonté de changement. Avec la ratification du traité budgétaire européen, le pacte de compétitivité et, maintenant, le soutien à l’accord sur la flexibilisation signé sous la pression du Medef, le gouvernement lui tourne le dos. » Compte tenu des terribles contraintes économiques et financières qui pèsent sur l’action du gouvernement socialiste, contraintes qui ne sont même pas évoquées par le Parti communiste, il est peu probable qu’il abandonne la politique que ce dernier qualifie « d’austérité et de compétitivité ». Dans les années à venir, le Parti communiste se comportera donc comme un adversaire résolu du Parti socialiste au niveau national, confirmant ainsi que la gauche ne pourra plus exister dans l’avenir comme force de gouvernement.

Cependant, dans une période où son opposition au pouvoir socialiste ne peut que se durcir, le Parti communiste est confronté à la préparation des élections municipales. Pour tenter de conserver les positions de pouvoir locales, non négligeables, qui sont encore les siennes, il a un besoin vital de renouveler les accords électoraux avec le Parti socialiste ; ce vœu est d’ailleurs partagé dans l’ensemble par les élus socialistes. Aucun des deux partis ne semble vouloir renoncer aux avantages de la « discipline républicaine » ni même à la possibilité de former des listes d’union dès le premier tour. Dans ces conditions, le Parti communiste a intérêt jusqu’aux élections municipales à ne pas mettre trop fortement l’accent sur le divorce politique avec le Parti socialiste et à se concentrer sur les enjeux locaux de ces élections.

La déconnexion entre enjeux locaux et enjeux nationaux peut-elle être cependant aisément opérée ? C’est ce que Pierre Laurent estime dans son interview. Ainsi, en réponse à la question suivante : « Aux municipales, entre l’exigence d’alternatives aux politiques 
d’austérité et le rassemblement 
face à la droite, que choisirez-vous ? » il affirme en effet : « Il n’y a pas à choisir. Le chemin que nous devons trouver est celui qui combinera le rassemblement face à la droite et la construction de majorités municipales de gauche porteuses de notre combat contre l’austérité. »  Mais lui est-il réellement possible de ne pas choisir ? Ce n’est pas impossible dans la mesure où les deux partis ont ici un intérêt commun et où, même si l’opposition communiste au gouvernement actuel semble plus radicale que dans d’autres périodes de la Vè République où le Parti socialiste était au pouvoir et le où Parti communiste refusait de participer au gouvernement, ce parti a déjà su gérer ce type de situation. Ce n’est cependant pas certain pour deux raisons, liées l’une à l’autre.

Compte tenu des engagements de la France à l’égard de l’Allemagne, de l’Europe et… des marchés ainsi que de la situation économique et sociale du pays, la politique du gouvernement socialiste ne peut, dans les temps qui viennent, que se rapprocher davantage encore d’une politique que le PC qualifie de politique « d’austérité ». Le grand écart communiste sera donc particulièrement délicat à opérer. Mais surtout, les communistes sont confrontés à une conjoncture électoral particulière. En effet, les hasards du calendrier placent l’an prochain les élections européennes seulement quelques semaines après les municipales. Du coup, la question municipale interfère nécessairement avec la question des relations entre le PC et la personnalité la plus populaire du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon. L’on sait que les relations entre ce dernier et la direction du PC ne sont pas simples. Le PC souhaite empêcher Mélenchon de conquérir le leadership du Front de gauche. Mais en même temps, ils sait que ce dernier, pour une élection nationale, telle les européennes, est un atout électoral majeur. Sans lui, le score du PC risque à nouveau d’être médiocre pour ne pas dire plus. En outre, la ligne adoptée au 36è congrès, c’est à dire d’opposition à la politique gouvernementale, ne permet pas d’empêcher Mélenchon de la populariser à sa manière. Le dilemme communiste apparaît alors singulièrement difficile à résoudre. En effet, si Mélenchon bénéficie d’une tribune nationale aux élections européennes, il sera difficile de débuter sa campagne avant même les municipales. Les communistes devront alors résoudre la quadrature du cercle et défendre le rassemblement à gauche au moment où Mélenchon criera haro sur le gouvernement. Le pourront-ils ?

Face au Parti socialiste, le pari est risqué. Certes, celui-ci sera sans doute tenté lui aussi d’arrondir les angles et d’insister sur les enjeux locaux des municipales, ce que ses candidats souhaiteront probablement. Mais pourront-ils tout accepter ? D’une part, le pouvoir socialiste, compte tenu des efforts très importants demandés aux Français, ne pourront pas ne pas expliquer et défendre sa politique, aussi bien vis-à-vis des électeurs que de l’extérieur. D’autre part, le PS s’est finalement débarrassé de son complexe historique à l’égard du Parti communiste. Il ne laissera sans doute pas sans réponse des attaques frontales de Jean-Luc Mélenchon. Pourra-t'il accepter que les communistes montrent trop ouvertement qu’ils veulent gagner sur tous les tableaux : avec eux pour conserver des mairies et contre eux pour les affaiblir le plus possible aux Européennes ?

Du côté de l’électorat socialiste, s’il est vraisemblable qu’ils sera dans l’ensemble surtout intéressé par les enjeux purement locaux des municipales, néanmoins, sa partie la plus modérée peut hésiter à voter pour des listes d’union dans une conjoncture marquée par l’affirmation véhémente de l’hostilité radicale du Front de gauche à l’égard d’une politique gouvernementale qu’ils peuvent comprendre même si elle ne les réjouit pas ! Du côté de l’électorat communiste, des attaques trop appuyées contre les socialistes peuvent amener sa frange la plus antisocialiste à ne pas voter pour ces listes d’union.

Ainsi, le pari des communiste n’est pas gagné d’avance. Mais peuvent-ils faire autrement ? C’est peu probable dans la mesure où ils se sont mis depuis longtemps dans une véritable impasse stratégique. Ne voulant ni participer à la gauche de gouvernement ni adopter une ligne de rupture totale avec cette gauche, ils tentent désespérément de trouver l’entre deux qui leur permettra d’échapper à chacune de ces deux options. Le problème est que Jean-Luc Mélenchon ne partage pas cette position, ayant pour objectif clair d’affaiblir suffisamment le Parti socialiste pour permettre l’essor d’une véritable extrême-gauche. Les communistes savent qu’une réussite, même partielle de cette stratégie signifie la victoire de la droite aux élections de 2017. Le souhaitent-ils ? Nous n’en savons rien. Mais si ce n’est pas le cas, Mélenchon sera leur tunique de Nessus. Mais comment dépasser 5% aux élections sans lui ? On l’aura compris, lorsque Pierre Laurent assure « qu’il n’y a pas à choisir », il fait un parti bien audacieux ; audacieux pour lui et très dangereux pour la gauche. Mais celle-ci existe-t'elle encore ?