Branle-bas de combat au Parti socialiste edit

7 janvier 2008

Ségolène Royal a lancé son offensive pour s’emparer de la direction du Parti socialiste. Elle a ainsi tranché pour son compte la question de savoir si  la candidature socialiste à la présidence de la République doit passer ou non par la direction de l’organisation. Elle sait que dans sa défaite de 2007, son absence de contrôle de son parti a pesé lourd. En liant clairement cette tentative de diriger le Parti socialiste à son projet présidentiel, sa position présente une cohérence certaine dans un régime de plus en plus présidentialisé et où le Parti socialiste est avec l’UMP l’un des deux partis présidentiels. Ségolène Royal a sans doute pensé qu’elle ne pouvait prendre le risque de voir le prochain successeur de François Hollande à la direction du parti faire obstacle à sa candidature. En défendant à la fois un projet de rénovation du parti et un projet présidentiel, elle présidentialise encore davantage l’organisation, ce qui est une démarche logique.

Face à elle est en voie de constitution une alliance hétéroclite qui rassemble en réalité, au delà des clivages politiques et personnels anciens, une sorte de cartel des non, dont l’objectif principal est d’empêcher Ségolène Royal de s’emparer du parti et, à terme, d’être à nouveau la candidate socialiste à la prochaine élection présidentielle. Pour l’instant ce cartel présente les faiblesses de toutes les alliances de circonstance. Il n’a pas de véritable projet de rénovation même s’il s’essaie à en bâtir un. Il n’a pas de véritable leader ni de candidat présidentiel crédible ou disponible. Il se bat en contre.

Les leaders de cette alliance, dite des « reconstructeurs », avancent quelques arguments à l’appui de leur démarche. La rénovation doit être collective et seul un collectif peut porter ce projet. Il est trop tôt pour parler de la prochaine élection présidentielle et le parti ne peut pas vivre dans une primaire interne permanente jusqu’en 2012. Ségolène Royal a été battue en 2007, elle n’a donc pas une légitimité évidente pour conduire la rénovation du parti et porter à nouveau les couleurs du PS à la prochaine élection présidentielle.

Cette argumentation est défendable mais elle souffre d’une faiblesse majeure. Dans un régime politique où la personnalisation du pouvoir est forte, où l’élection présidentielle est l’élection majeure et où le Parti socialiste doit être capable de gagner une élection présidentielle, la volonté de ce cartel de « dépersonnaliser » la rénovation du parti et de la séparer de la question présidentielle ne peut qu’affaiblir gravement l’organisation. Pour avoir une chance de l’emporter, ce cartel doit remplir l’une ou l’autre des deux conditions suivantes : soit proposer clairement une modification du mode de désignation du candidat à l’élection présidentielle qui découplerait la direction du parti et la candidature présidentielle en créant de véritables primaires à l’américaine ou à l’italienne, en faisant de cette question un enjeu majeur du congrès. Pour l’instant, il ne l’a pas fait clairement. Soit de disposer en son sein d’un véritable leader capable lui aussi de briguer l’investiture socialiste de 2012 avec des chances de succès à la fois dans le parti et dans le pays.

La première condition est aujourd’hui difficile à remplir dans la mesure où, face à l’offre politique que va présenter Ségolène Royal, celle, désincarnée, de ce cartel risque fort de manquer d’impact fort dans l’opinion mais aussi dans le parti. Cette démarche n’est cependant pas impossible à mener. Quant à la deuxième condition, si l’on écarte – peut-être à tort – le retour de Dominique Strauss-Kahn dans le jeu, la seule personnalité socialiste ayant, pour l’instant, une chance de pouvoir contrer Ségolène Royal dans le parti et dans l’opinion est Bertrand Delanoë. Encore faut-il que celui-ci conserve la mairie de Paris en mars prochain. Le problème est cependant que le cartel ne lui est pas plus favorable qu’il ne l’est à Ségolène Royal, ne voulant accepter en réalité le leadership ni de l’un ni de l’autre. Une telle position est-elle tenable ? C’est peu probable. Nous ne sommes plus à l’époque où un Guy Mollet put successivement barrer la route en 1965 à la candidature présidentielle de Gaston Defferre et en 1969 à celle de François Mitterrand. Le Parti socialiste ne peut plus faire l’impasse sur la présidentialisation du régime. Sa crédibilité actuelle est au plus bas et le repli sur l’appareil du parti ne peut pas être une stratégie gagnante.  Elle peut même affaiblir durablement ce parti. Le pire serait que le cartel se mette d’accord, pour des raisons tactiques, pour glisser dans sa plate-forme des éléments d’orthodoxie ou de semi-orthodoxie qui auraient pour seul résultat de gêner en 2012 le ou la candidat(e) socialiste au point de lui interdire le rassemblement sur son nom d’une majorité d’électeurs. Ce serait alors le choix de la défaite.

Ce type de situation s’est déjà produit dans le passé. Il a coûté cher au Parti socialiste. Ces considérations ne sous-entendent pas que Ségolène Royal ou Bertrand Delanoë pourraient battre aisément le candidat de l’UMP en 2012, ni même qu’un autre candidat crédible ne pourrait pas apparaître dans les années à venir. Mais une démarche dont le seul but serait de barrer la route aux seuls candidats « présidentiables » du parti serait certainement très dommageable. Les Français, et particulièrement les sympathisants socialistes attendent du Parti socialiste des propositions et un leader. L’un peut-il aller sans l’autre ? Et si oui, comment ?