Le bilan économique de Mario Monti edit

15 janvier 2013

La crédibilité de l’Italie a été retrouvée avec Mario Monti. Dans le domaine économique, l’indicateur vedette est le spread entre les Bot italiens à dix ans et le Bund. Comme l’observe Guillaume Delacroix dès la première page de sa biographie consacrée au professore(Le Mystère Mario Monti. Portrait de l’Italie post-Berlusconi, Plon, novembre 2012),  « le spread est devenu le sujet de préoccupation numéro un des responsables politiques, économiques et médiatiques ».

On observe une baisse constante du taux, avec quelques accidents, jusqu’au mois de mars 2012 quand il passe en dessous du taux espagnol. Il remonte au cours du second trimestre 2012, avec un sommet en juillet, à l’époque où  Giorgio Squinzi, nouveau président du patronat, s’allie avec Susanna Camusso, secrétaire général de la CGIL, pour attaquer la politique d’austérité d’où l’accusation portée par Mario Monti de nuire au pays en provoquant cette hausse. Le deuxième semestre 2012 marque une baisse constante pour tous les pays de la zone euro au fur et à mesure des réponses apportées à la Grèce et à l’Espagne. Le 18 décembre, Standard & Poor's relève la notation de la Grèce de 6 crans, le spread grec passe en dessous de 10% et le spread italien atteint 3%. La première quinzaine de 2013 confirme cette tendance.

Si des mouvements à court terme du spread italien ont été affectés par des événements internes, comme l’annonce du retour de Silvio Berlusconi en décembre 2012, l’évolution sur une base trimestrielle a suivi l’évolution générale (Grèce exceptée) et les marchés n’ont guère récompensé la rigueur imposée par Mario Monti, ce dont il s’est souvent plaint.

Cette rigueur s’est manifestée en jouant tout d’abord sur les recettes : par une augmentation d’un ensemble de taxes, un impôt sur la résidence principale (Imposte Municipale Unica) très impopulaire et par une chasse redoublée à la fraude. La règle d’or a été introduite dans l’article 81 de la Constitution. Avec une récession de plus  de 2%, les rentrées fiscales ont augmenté de 14% sur les trois premiers trimestres.

Tout cela s’est traduit par la fermeture de milliers de petites entreprises avec une augmentation de 16,6%, soit près de 120 milliards (Source : Association bancaire italienne) de créances bancaires non recouvrables.

Le bulletin de décembre de la Banque d’Italie montre cependant que la baisse de la PIB trimestrielle se ralentit (-3, -2,9, -0,4 pour chacun des trois premiers trimestres), de même pour les investissements. De leur côté, la consommation privée stagne et les dépenses publiques baissent régulièrement.

Cette politique de rigueur explique la baisse de popularité du professore. Le taux de chômage atteignait 11,1% en octobre et 36,5% chez les 15-24 ans malgré une légère amélioration au troisième trimestre. Les dégâts en matière sociale exposés par le rapport Censis ou les rapports des œuvres de charité sont saisissants, il y a  plusieurs millions de familles dont les besoins essentiels ne sont plus satisfaits.

Le seul facteur de soutien à la demande effective reste le commerce extérieur. En neuf mois, l’Italie a dégagé un excédent de plus de 5 milliards malgré 48,5 milliards de déficit sur l’énergie. Les biens d’équipement ont dégagé un excédent de 36 milliards résultant d’une augmentation de 1,6% des exportations mais d’une baisse de 13% des importations. On trouve une baisse semblable (12,5%) pour les importations de biens intermédiaires face à une augmentation de 2,5% des exportations. La machine exportatrice italienne présente des caractéristiques enviées par la France, (neuf citations de l’Italie dans le rapport de Louis Gallois), mais toute reprise de l’activité se traduira par un retour à un déséquilibre. Si la politique de Mario Monti a eu un effet positif sur le commerce extérieur c’est d’une part en obligeant les entreprises à réorienter leurs débouchés et d’autre part en provoquant une baisse de la consommation et de l’investissement.

En matière de réformes, on peut retrouver trois groupes. Il y a tout d’abord les mesures exposées dans la préface de l’édition italienne du rapport de la Commission Attali (dont Mario Monti faisait partie). Les projets visant des professions réglementées comme les taxis, les pharmacies, les notaires n’ont que partiellement été menés à bien. Le succès, avec les larmes de la ministre concernée, de la réforme des retraites n’a pas été étendu totalement au code du travail et notamment le fameux article 18 sur la réintégration du travailleur suite à un licenciement économique. Le patronat a reproché à Mario Monti d’avoir cédé au Parti démocrate lié à l’aile dure du syndicalisme mais la réforme n’est pas négligeable.

Un deuxième domaine où l’action a été insuffisante concerne les réglementations qui affectent la vie des citoyens et des entreprises. Il faut accomplir des dizaines de formalités, souvent par acte authentique avec recours à un notaire, pour mener des opérations qui se font sans difficulté ailleurs. L’Italie est classée  142e (la France 126e) sur 144 pays, pour le « critère poids de la réglementation » dans le Global Competitiveness Report. Ainsi, l’accumulation des normes a rendu le prix de revient kilométrique de la ligne Turin-Novare, dans la plaine du Pô, quatre fois supérieur à celui de la ligne Paris vers Strasbourg. A la page 281 de son ouvrage Guillaume Delacroix cite un dirigeant d’entreprise : « Sur les simplifications administratives, Monti n’a fait qu’un lifting de mesures déjà annoncées par Berlusconi, il mérite 0/10 ».

Le troisième domaine vise le coût de la vie politique estimé à 25 milliards par an et tient particulièrement à cœur au chef du gouvernement. Les élus italiens sont les mieux rémunérés d’Europe et députés et sénateurs, élus locaux cumulent les avantages : voitures de fonction, train, avion, cinéma, théâtre, assurances… gratuits. Mario Monti a commencé à rogner sur ces avantages et reprenant une réforme lancée par Silvio Berlusconi, a voulu diminuer le nombre de provinces, faire fusionner des communes et cela lui a valu plus d’ennemis que sa politique macroéconomique.

Ces réformes demandent un temps long, d’où le sentiment inévitable d’inaccompli, de semi-réformateur, de bilan en demi-teinte ; elles exigent aussi une légitimité politique forte. Un deuxième mandat confié par une nouvelle majorité issue du scrutin des 24-25 février, offrira-t-il cette durée ? L’auteur avec Sylvie Goulard d’un ouvrage sur la démocratie en Europe fixe un agenda ambitieux pour faire entrer son pays dans un Etat fédéral européen et propose pour 2014 un Parlement  européen doté de pouvoirs constituants… Un beau débat en perspective, mais les sondages ne sont pas encourageants.