Remaniement : Sarkozy, le vrai vainqueur ? edit

15 novembre 2010

« Tout ça pour ça », telle est la tonalité dominante des commentaires sur le maintien de François Fillon à Matignon. Nicolas Sarkozy aurait subi une grave défaite au sein de son propre camp. François Fillon et, dans une certaine mesure, Jean-François Copé seraient les vrais vainqueurs, leur réussite symbolisant l’affaiblissement du président de la République. Bien des éléments peuvent être portés à l’appui de cette analyse. Mais pour faire le bilan de toute crise, il faut commencer par en analyser le résultat. Certes le président s’est trouvé depuis quelques jours sur la défensive. Certes, il a dû renoncer à certaines de ses intentions. Certes François Fillon a renforcé considérablement ses positions. Mais à l’issue d’une période marquée par l’affaire des retraites et le remaniement, le véritable vainqueur semble bien être Nicolas Sarkozy lui-même.

Quels étaient pour lui les objectifs prioritaires dans une période où il a subi une forte érosion de sa popularité et où ses relations avec sa propre majorité s’étaient fortement tendues ? D’abord conforter sa position de leader de la majorité c'est-à-dire de candidat potentiel à sa propre succession à l’Élysée. Il lui fallait donc rassembler autour de lui l’UMP et tout particulièrement ses principaux leaders anciens ou actuels. C’est chose faite. En acceptant de maintenir Fillon à Matignon, en donnant la direction de l’UMP à Copé, en faisant entrer Alain Juppé dans le nouveau gouvernement, en gardant Baroin dans le gouvernement, il fait la paix avec les chiraquiens, profitant aussi de l’isolement dans lequel s’est placé Villepin après qu’il a brûlé ses vaisseaux. C’est donc la composante centrale de l’UMP, celle provenant du RPR, qui est désormais rassemblée autour du président et qui est ainsi embarquée dans la préparation d’une élection présidentielle dans laquelle son candidat sera Nicolas Sarkozy.

En outre, la victoire politique de celui-ci dans l’affaire des retraites et la faible crédibilité gouvernementale du PS et de sa Première secrétaire ainsi que les sondages d’intentions de vote ne ferment pas la perspective d’une victoire du président sortant qui, de toutes manières, s’il est réélu, exercera son dernier mandat. L’UMP a donc collectivement intérêt à se battre pour gagner la prochaine élection. Elle est dès à présent en ordre de bataille. Certes, la question de son aile centriste n’est pas résolue comme le montre le retrait volontaire de Jean-Louis Borloo. Mais le centrisme est divisé et la direction de l’UMP aura dans sa main pour l’essentiel la désignation des candidats de la majorité aux élections législatives. Un candidat centriste de la majorité peut être tenté de concurrencer Nicolas Sarkozy au premier tour mais nous n’en sommes pas encore là.

Compte tenu des contraintes qui pèsent sur la politique gouvernementale du fait des déficits publics et de l’endettement de la France, Nicolas Sarkozy a finalement intérêt à continuer la politique de rigueur prônée publiquement par son Premier ministre dont les Français souhaitaient le maintien à Matignon. Puisque seule cette politique peut être poursuivie dans les dix-huit mois qui viennent, le maintien de Fillon est à l’évidence un atout pour le président.

D’une certaine manière, les difficultés rencontrées par le président pour remanier le gouvernement l’ont paradoxalement aidé. Elles l’ont conduit, pour une part bon gré mal gré, à faire ce qui était le meilleur pour lui, c'est-à-dire à mettre fin à l’hyper-présidence. Désormais, il devra compter davantage sur son Premier ministre, ses groupes parlementaires et son parti. Il pourra ainsi retrouver une position qu’il avait à tort abandonnée, celle d’un chef d’équipe et pas d’un chef tout court. Ce qui ne signifie en aucune façon qu’il perdra le leadership réel du pouvoir exécutif. Mais il pourra se concentrer davantage sur les grandes questions et sur sa future candidature, si toutefois son tempérament le lui permet !

Face à ce nouveau dispositif de la droite, les échafaudages du PS ne paraissent pas pour l’instant très solides. Comme l’a dit Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, l’UMP a pris du coup une longueur d’avance sur le PS dans la course présidentielle. Si nous savons le nom du candidat principal de la droite, ce n’est pas le cas pour celui de la gauche. Et les derniers jours ont montré que nous sommes loin de le savoir. La question de la candidature présidentielle socialiste est une bouteille à l’encre et la question des primaires est pour l’instant prise par le mauvais bout par la direction du Parti socialiste. Alors que l’UMP se rassemble, au moins dans sa composante principale, le PS est entraîné dans la spirale de la division.

Au total, dans cette histoire, le président, certes affaibli dans la dernière période, pourrait bien avoir malgré tout joué à qui perd gagne !