Sarkozy : réformes limitées, coût élevé edit

19 mai 2009

Deux ans après sa mise en oeuvre, le programme de réformes de Nicolas Sarkozy peut se résumer de la façon suivante: une révision à la baisse des objectifs, et un coût plus élevé que prévu. Quelles en seront les conséquences à terme sur les finances publiques ?

Le candidat Sarkozy avait un programme de réformes que l’on pouvait classer en trois groupes : celles qui visaient à accroître la flexibilité de l’économie pour la rendre plus dynamique ; celles qui visaient à accroître le potentiel de croissance de notre économie sur le moyen terme ; enfin, celles qui devaient permettre de mettre les finances publiques sur un sentier de croissance soutenable. En simplifiant, on peut ranger la réforme des heures supplémentaires et celle de la procédure de licenciement dans les mesures visant à accroître la flexibilité de l’économie. Le bouclier fiscal rentre dans le groupe du soutien à la croissance de moyen terme, puisque l’objectif est de rendre le travail « plus payant » c’est-à-dire de ne pas décourager par un impôt trop lourd les revenus du travail. La Loi de Modernisation de l’Economie (LME), en augmentant la concurrence sur le marché des produits, visait à abaisser les prix et augmenter l’emploi. La réforme qui devait accorder plus d’autonomie financière à l’université rentre également dans cette catégorie. Enfin, trois chantiers devaient assurer la soutenabilité des finances publiques tout en préservant le modèle français : la réforme de la santé, la réforme des retraites et la réforme de l’emploi public.

On peut trouver deux caractéristiques aux réformes engagées par le président de la République : d’une part le champ couvert est bien plus modeste que ce qui avait été annoncé initialement, d’autre part elles ont eu un coût budgétaire plus élevé qu’anticipé. Ainsi, exemple symbolique, la réforme du contrat de travail qui devait conduire à une refonte complète du droit du travail et aboutir à « un contrat unique », s’est finalement réduite à une procédure de licenciement négociée à l’amiable, ce qui est au bénéfice de l’employeur et de l’employé, mais au détriment des finances de l’assurance chômage. Plus largement les grands chantiers qui devaient assurer la soutenabilité des finances de l’Etat, n’ont été abordés qu’avec timidité : la réforme de la santé, discutée en pleine crise, a des chances de se conclure sur un accord a minima avec un effet budgétaire quasi nul, alors même que l’OCDE évalue à 1.4 points de PIB par an en moyenne la dérive des dépenses de santé pour les années qui viennent. De même, la réforme des retraites des régimes spéciaux, qui devait permettre d’économiser €3md, se soldera sûrement par un coût au lieu de permettre de réaliser une économie (il n’y a pas d’évaluation officielle publiée des coûts ou économies que cette réforme aurait permis, mais Cahuc et Zylberberg, entre autres, présentent des éléments suggérant que la réforme sera au totale, coûteuse). Enfin, la question de l’emploi dans le secteur public n’est finalement que peu traitée : à un objectif de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, s’est additionné une hausse des contrats aidés, notamment dans la fonction publique, pour pallier la hausse du chômage entraînée par la crise.

Ces réformes modestes ont donc néanmoins un coût budgétaire non négligeable. Ainsi, la dérive des finances publiques est poursuivie avant même que la crise ne se déclenche. Puis celle-ci a grossi le déficit mais sans que ce ne soit un choix affirmé, keynésien, de soutien à l’activité dans une crise d’une ampleur qui s’annonce supérieure à celle de 1993. Les chiffres sont parlants : le budget 2008, premier budget élaboré par le gouvernement Sarkozy, a fait passer le déficit budgétaire de 2.7% du PIB en 2007 à 3.4% en 2008. Il glissera probablement au-delà de 6% en 2009 et de 7% en 2010 (au-delà même des déficits engendrés par la récession de 1993). La dette publique aura connu une croissance sans précédent en passant de 63.8% du PIB en 2007 à 68.1% en 2008 et elle risque de dépasser allègrement les 80% en 2010.

Certes, la crise a joué un rôle, mais modeste en regard d’autres pays de l’OCDE : entre 2008 et 2010, on observe une variation de moins de 4 points de PIB en France alors qu’elle est de plus du double dans les pays anglo-saxons ! Pourtant à la sortie de crise, la France se retrouvera avec un niveau de dette sur PIB concourant avec les plus élevés des pays de la zone euro et plus largement de l’OCDE (aux alentours de 80%). La dette française sera ainsi largement aussi élevée que celle des pays ayant apporté pendant la récession un soutien beaucoup plus significatif à l’activité réelle et à leur secteur bancaire (comme les Etats-Unis), sans avoir pu faire bénéficier l’économie d’un tel support. Et l’expérience montre que les hausses de dette sont là pour durer : avec la récession de 1993, la France était passée d’une dette de 35.2% du PIB en 1990 à 55.5% cinq ans plus tard, sans jamais redescendre.

A la sortie de la crise, il sera donc urgent de remettre les finances publiques sur un sentier soutenable, non par peur d’une dette excessivement élevée que les investisseurs refuseraient d’acheter ou qu’ils n’accepteraient de financer qu’à un coût trop élevé, mais parce que l’ampleur de la dette paralyse l’action de politique économique. En effet, le soutien à l’activité économique en période de crise a un coût budgétaire, les réformes pour élever la croissance de moyen terme ont aussi un coût, et les finances françaises n’ont plus de marge manœuvre. D’où le bilan général : un effort de relance minimale pendant la crise, une modestie des réformes, et pourtant, une dette alourdie à la sortie de crise.

Le coût d’ajustement des finances publiques s’annonce élevé. En se basant sur une croissance réelle de 2%, un taux d’intérêt réel de 2%, et une inflation à 2%, il faudra que les finances dégagent un excédent primaire (hors charge de la dette) de plus de 2 points de  PIB pendant dix ans (une bonne partie des recettes de l’impôt sur le revenu des ménages ou des sociétés) pour ramener la dette à 60% du PIB. Rappelons que sur les dix dernières années, l’Etat a toujours été en déficit primaire. Rappelons aussi que la France affiche le 3ème taux de prélèvement obligatoire le plus élevé des pays européens, il sera donc difficile d’augmenter la pression fiscale.