Populisme à l’italienne: retour sur un échec edit

20 septembre 2019

La crise politique italienne est allée rapidement vers une solution. Elle avait été déclenchée, au début du mois d’août, par la volonté de Matteo Salvini de sortir du gouvernement de coalition avec le Mouvement 5 Étoiles et d’obtenir du président de la République la dissolution du Parlement et des nouvelles élections à l’automne.

Salvini a été poussé à prendre ce risque par le résultat des élections européennes, qui avaient assigné à la Ligue le double des suffrages obtenus aux élections politique de 2018, et sans doute encore plus par les derniers sondages d’intention de vote qui donnaient à la Ligue, dans certains parmi eux, un score proche du 40%, ce qui, avec un accord avec le parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, lui aurait donné sans doute la majorité absolue des sièges au Parlement.

Le leader de la Ligue a dû oublier, d’ailleurs, que dans une démocratie parlementaire telle l’Italie, le Parlement ne peut être dissout par le Président de la République qu’à condition de l’absence vérifiée de toute coalition possible en mesure de recevoir un vote de confiance.

Or, le M5E contrôle dans le Parlement élu l’année dernière un nombre suffisant de représentants qui peuvent permettre une majorité alternative à celle avec la Ligue, grâce à une coalition avec le Parti démocrate et autres petits groupes parlementaires.

Il est après tout étonnant que Salvini ait pu penser que le president de la République aurait facilement dissout le Parlement et appelé des nouvelles élections à l’automne, lorsque la vie parlementaire italienne est prise par la difficile rédaction de la loi du budget de l’État, qu’il faut en plus négocier, en position objective de faiblesse – à cause des difficultés économiques du pays – avec la Commission européenne.  Et plus étonnant qu’il ait pu croire que le M5E se saurait sacrifié pour lui faire plaisir en allant à cœur joie vers une compétition électorale, qui aurait facilement confirmé le résultat catastrophique de mai dernier, lorsque le mouvement de Beppo Grillo avait laissé sur le terrain 6 millions de voix et réduit de moitié sa force politique.

Les observateurs de la vie politique italienne vont sans doute s’interroger encore longtemps sur les raisons raisonnables (si on peut les trouver) de l’aventurisme de Salvini ; il est possible qu’il faille plutôt regarder du côté de spn hybris et de son ignorance des règles de la constitution italienne. En tout état de cause sa tentative de faire sauter le gouvernement pour aller rapidement vers des nouvelles élections s’est soldée par un échec, elle a abouti à la formation d’un gouvernement de coalition entre le M5S et le PD.

Trois points méritent d’être soulignés dans l’écheveau de cette nouvelle crise politique de la péninsule.

Premièrement, le rôle qu’a pris dans la dernière séquence de la vie politique l’ancien et aussi nouveau premier ministre : Giuseppe Conte. Cet avocat et professeur de droit privé sans aucune expérience politique avait été catapulté à la tête du gouvernement par les 5 Etoiles et il avait plus ou moins bien gouverné la difficile alliance entre la Ligue et le Mouvement de Grillo. Mais c’est grâce à l’expérience acquise dans les relations internationales, notamment avec les partenaires européens, qu’il a compris que l’Italie du gouvernement jaune-vert (le terme journalistique pour l’étrange alliance entre la Ligue et le M5S) allait dans le mur par l’attitude arrogante et incompétente de Salvini vis-à-vis des États-membres de l’Union et des contraintes économiques de tout pays semi-souverain, ce que sont de facto les membres de la zone euro (notamment l’Italie, écrasée par sa dette publique et par sa croissance économique proche de zéro). Conte a donc pris ses distances vis-à-vis de Salvini et il s’est montré plus capable que les partenaires de la coalition de comprendre les besoins et les contraintes du pays sur le plan économique, celui des relations internationales et celui du fonctionnement des institutions d’une démocratie représentative. Il n’est ainsi pas étonnant que Giuseppe Conte ait été chargé par le président Sergio Mattarella de diriger le nouveau gouvernement.

Deuxièmement, on peut comprendre la raison d’être de la nouvelle et étrange alliance politique entre un parti pro-européen et réformiste comme le PD et le Mouvement 5 Etoiles. Ce dernier avait tout intérêt à éviter des nouvelles élections qui auraient laminé massivement le nombre de ses élus au Parlement. Le conatus sese praeservandi est une loi essentielle de la vie politique. Le PD revient au pouvoir grâce à la faute politique de Salvini et il doit bien accepter les maux de tête d’une alliance avec un Mouvement qui l’a combattu dès sa naissance, mais qui est obligé de composer avec lui, pour sauver sa peau.

Troisièmement, on peut s’interroger sur la durée de cette nouvelle alliance. Certes, la distance entre les deux alliés est très importante. Mais il faut bien comprendre que le populisme des 5 Etoiles est une rhétorique, plus qu’un programme d’action ou des politiques publiques. Il y a des populismes de gauche (Syriza, surtout au début, Podemos), des populismes de droite (Alternative für Deutschland, le Démocrates (!) Suédois), mais le populisme italien est un mélange d’idées confuses. Les 5 Etoiles sont passés à Strasbourg du groupe des nationalistes au vote pour Ursula von der Leyen ; d’une politique hostile aux migrants à une position plus tolérante ; et on pourrait continuer à propos de la globalisation, de l’économie industrielle, etc.

Certes, Conte devra faire des efforts pour tenir ensemble ses alliés qui ont en partage une forte hostilité mutuelle. Mais si personne n’est saisi par l’hybris qui a fait tomber Salvini, le gouvernement de ce professeur, bon apprenti des contorsions de la politique italienne, pourrait durer plus longtemps que son premier essai.