Obama : demandez le programme ! edit

7 septembre 2008

Jeudi 28 août, lors de la Convention démocrate, Barack Obama a donné un remarquable discours de candidature à l'élection présidentielle. On peut toutefois se poser quelques questions sur les fondements de sa philosophie économique, et plus précisément sur sa vision des équilibres budgétaires.

Le candidat démocrate est sans conteste un orateur de talent, mais au bout de chacune de ses phrases, je ne pouvais m'empêcher d'entendre sonner une caisse-enregistreuse. Écoutons-le.

" J'éliminerai l'imposition des profits pour les petites entreprises et les start-up qui créeront les emplois à haute valeur ajoutée de demain.... Je baisserai les impôts de 95% des familles de salariés. Parce que dans une économie comme la nôtre, la dernière chose à faire serait d'augmenter les impôts des classes moyennes... J'aiderai notre industrie automobile à se restructurer, pour que les voitures de l'avenir, qui consommeront moins de carburant, soient construites ici, en Amérique... J'aiderai les Américains à se procurer ces nouvelles voitures... J'investirai 150 milliards de dollars sur dix ans dans les d'énergie renouvelables : l'éolien, le solaire, et la prochaine génération de biocarburants... J'investirai dans le secteur éducatif de la petite enfance... Je recruterai une armée de nouveaux professeurs, payés avec de meilleurs salaires et en les soutenant davantage... Le temps est venu de tenir la promesse d'un système de santé abordable et accessible pour chaque Américain. Si vous êtes déjà assuré, mon projet conduira vos primes à baisser. Si vous n'êtes pas assuré, vous pourrez obtenir le même type de couverture que les membres du Congrès... Le temps est venu d'aider les familles en payant les jours d'arrêt maladie et en améliorant les congés pour motif familiaux... "

Comme la liste des promesses s'allongeait, je commençai à me demander sur quelle compréhension du fonctionnement réel de l'économie ce programme était-il fondé ? Tous ces projets exigent des ressources. Si nous voulons en bénéficier, il nous faudra trouver des sources de financement. Évidemment, on pense à une certaine inefficacité ou à des mauvais choix dans l'allocation des ressources existantes : l'argent public est consacré aujourd'hui à des dépenses discutables, au lieu de se porter sur les objectifs énumérés par Obama. Mais il n'empêche, il faudra d'une façon ou d'une autre payer la facture. Comment ?

Le candidat a anticipé cette question que je n'étais sans doute pas seul à me poser, et il lui a fourni la réponse suivante : " bien sûr, la plupart de ces projets auront un coût, et c'est pourquoi nous devons prévoir dès maintenant où trouver chacun des dollars qu'il faudra dépenser. Pour l'essentiel, cela se fera en fermant les paradis fiscaux et les niches dont bénéficient les entreprises qui ne contribuent pas à la croissance américaine. Mais j'examinerai aussi chaque ligne du budget fédéral, en éliminant les programmes qui ne marchent plus et en rendant plus efficaces et moins coûteux ceux dont nous avons besoin : nous ne pouvons pas affronter les défis du vingt-et-unième siècle avec une bureaucratie du vingtième siècle.

Laissons pour le moment la question du gaspillage des deniers publics, et concentrons-nous sur la thèse centrale d'Obama, que je résumerais ainsi : si l'on pouvait réorienter une partie des profits des entreprises vers les projets du candidat, alors l'Amérique se  porterait mieux.

D'après la table 102 du Tableau des opérations financières de la Réserve fédérale, les profits domestiques des entreprises (hors agriculture et secteur financier) représentent 1037 milliards de dollars en 2007. Environ un tiers de cette somme (310 milliards) part en impôts et 487 milliards sont versés sous la forme de dividendes, qui sont taxés avec les autres revenus des actionnaires. Il resterait donc 240 milliards qui ne servent à rien ?

Pas exactement. Ces mêmes entreprises ont aussi réalisé 460 milliards d'investissements nets en 2007 (1045 milliards d'investissements bruts moins 585 milliards de provision pour amortissement), qui ont été financés par l'emprunt et par le réinvestissement des $240 milliards de profits. Si les profits après impôts étaient plus bas, le seul moyen pour conserver le même niveau d'investissement serait pour les entreprises d'emprunter davantage. Le feraient-elles ? Vu ce que l'on sait de la relation empirique entre les taux de croissance des profits et ceux des investissements, il semble peu probable que les investissements resteraient au même niveau si les profits baissaient. Et quand bien même ce serait le cas, je doute qu'il soit souhaitable d'augmenter ainsi l'endettement des entreprises.

Si je soulève ce problème, c'est parce que je considère l'investissement en capital fixe non résidentiel comme la variable économique la plus déterminante pour la prospérité future de l'Amérique.

Quant à la deuxième partie des solutions proposées par Obama, je suis plutôt d'accord avec le sénateur sur le fait qu'il y a du gaspillage dans le budget fédéral. Mais je ne crois pas qu'il faille surestimer l'ampleur des marges de manœuvre, et plutôt que de se lancer dans de nouveaux programmes, je recommanderais d'abord de mettre cette rigueur au profit de la réduction du déficit. Enfin, en tête de ma liste personnelle des dépenses à supprimer, je placerais les subventions agricoles et celles de l'éthanol. Et sur la vôtre, sénateur ?

Une première version de ce texte est parue en anglais sur le site Econbrowser.