La rupture de notre système politique edit

24 septembre 2012

On se rappellera longtemps du coup que les Verts viennent de faire aux socialistes comme d’un cas d’école. Après avoir réussi à obtenir un groupe parlementaire en échange de presque rien, puis après avoir décidé de participer au gouvernement socialiste, les Verts viennent de refuser de soutenir un projet essentiel du président de la République, la ratification du pacte de stabilité, rejoignant ainsi le Front de gauche dans son hostilité radicale au gouvernement. Telos s’était étonné à l’époque de la générosité excessive de Martine Aubry à l’égard des écologistes. Son départ précipité pour Lille la dispensera peut-être de s’expliquer sur ce fiasco monumental. Madame Duflot devrait logiquement, quant à elle, quitter le gouvernement. Comment en effet ne pas considérer que la décision des écologistes constitue une rupture grave de la majorité ?

De cette grave crise politique il faut tirer quelques leçons. D’abord, la notion de gauche n’a plus de signification politique déterminante au niveau de l’action gouvernementale. La notion ancienne de gauche plurielle est morte et enterrée. Les anciens alliés du Parti socialiste, ceux avec lesquels les socialistes ont appliqué la discipline républicaine, sont entrés dans l’opposition au pouvoir socialiste. La discipline républicaine apparaît dès lors pour ce qu’elle est, un syndicat électoral sans aucune perspective politique commune. Le Parti socialiste n’a plus d’alliés à gauche. Les écologistes, avec ce magistral coup de pied de l’âne, l’obligent, s’il veut éviter l’humiliation complète, à le reconnaître. EELV a prouvé qu’il n’est pas un parti de gouvernement ; qu’il n’a rien à voir avec les Verts allemands, ce que Daniel Cohn-Bendit a fini par admettre. Les socialistes sont donc seuls et ils devront compter sur l’UMP pour faire ratifier le pacte européen. Le clivage européen sépare en réalité désormais les partis de gouvernement et les autres.

Symétriquement, les récentes déclarations de Marine Le Pen, clairement antirépublicaines, c’est-à-dire fondamentalement intolérantes, comme certains leaders de l’UMP l’ont eux-mêmes reconnu, confirment que tout rapprochement de ce parti avec le FN est voué nécessairement à l’échec. S’il n’y a plus de gauche, il n’y a toujours pas de droite. Il y a des gauches et des droites. Et, aucun des problèmes essentiels que la France a aujourd’hui à résoudre ne passe plus désormais d’abord par un affrontement gauche/droite. Ce que la plupart des autres pays européens ont compris ou sont en train de comprendre, la France doit le comprendre à son tour. Ceci ne signifie pas que la gauche socialiste et la droite UMP sont d’accord sur tout ni qu’elles doivent cesser de s’opposer. Mais, ceci signifie que l’avenir de notre pays, dans les temps qui viennent, dépendra, pour une large part, des compromis que ces deux partis passeront, notamment sur l’avenir de l’Europe.

Le pouvoir socialiste doit tirer les conséquences de cette situation nouvelle. François Hollande doit désormais afficher plus clairement ses objectifs politiques, c’est-à-dire clarifier sa stratégie européenne. Il ne suffit plus, face à ses adversaires de gauche, d’expliquer qu’il a obtenu de ses partenaires européens les moyens d’une véritable relance. Chacun connaît trop les limites de cet argument. Il doit affirmer que l’avenir de la France est dans l’Union européenne et qu’il engage son quinquennat sur cette immense affaire. Il ne sert plus à rien de rechercher à gauche un compromis impossible.  Si le Parti socialiste doit perdre les prochaines élections, il est préférable qu’il les perde avec honneur que dans la recherche de petits arrangements qui, de toutes façons, ne serviraient à rien. L’habileté comme mode de gouvernement n’est plus suffisante. Pour traverser cette passe dangereuse, il faut donner au pays une direction.

 

Quant à l’UMP, au lieu de se perdre dans des polémiques secondaires contre le pouvoir socialiste, elle devrait pour sa part accepter, même dans l’opposition, de porter une part de la responsabilité du pays. Il faut reconnaître que sa décision de voter le pacte de stabilité va dans ce sens. Mais il faudra plus encore dans la mesure où chacun sait que la situation de la France est grave. Certes, les nécessités de la vie politique obligent, et d’abord les effets de notre mode de scrutin législatif. C’est pourquoi, il est nécessaire désormais de s’attacher sérieusement à sa réforme.

 

L’auteur de cet article a toujours été favorable au scrutin majoritaire et à la bipolarisation. Il reste partisan de la bipolarisation, entendue de manière plus souple néanmoins. En revanche, il est temps d’introduire une part importante de proportionnelle.  En effet, à gauche, la discipline républicaine n’a plus de sens et il est difficile pour les socialistes de continuer demain à lotir des circonscriptions pour les Verts et à faire élire des députés communistes qui auront combattu de manière permanente la politique du gouvernement. Quant à l’UMP, il n’est pas sain de la condamner éternellement au dilemme suivant : s’allier au FN ou perdre les élections. L’alternance est nécessaire mais elle ne doit plus reposer sur de telles ambiguïtés. Si les deux grands partis veulent s’affranchir de la nécessité de nouer des alliances électorales avec les extrêmes, il faut donc modifier profondément le mode de scrutin afin de dé-rigidifier le clivage gauche/droite tout en permettant l’alternance. La proportionnelle est l’un des remèdes à cette situation. Il faut créer en effet les conditions où chaque parti sera libre au moment des votes au Parlement de créer des majorités d’idées.  Chaque parti pourra dès lors exposer clairement et librement ses positions puis passer les compromis parlementaires nécessaires,  puisque, après tout, le régime politique français est un régime parlementaire. Il est temps de redonner à notre système politique à la fois plus de représentativité et plus de souplesse. Il est temps d’obliger chacun à prendre ses responsabilités dans une situation qui ne permettra plus les faux-semblants. Après la décision des Verts et les propos du Front national, il est temps de remettre à l’heure les pendules de notre système politique.