PS - Verts : l’étrange accord edit

20 novembre 2011

Le pataquès de l’accord entre le parti socialiste et le parti écologiste traduit une contradiction fondamentale sur la nature de leur parti que les socialistes n’ont toujours pas résolue et dont les effets se font de plus en plus dévastateurs. Ce parti est-il d’abord un parti parlementaire ou un parti présidentiel ? Certes, cette ambiguïté est d’abord le produit du régime lui-même. Mais les socialistes ont eux-mêmes contribué, par l’établissement du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral de 2002, puis par l’instauration d’une élection primaire ouverte pour la désignation de leur candidat à l’élection présidentielle, à la présidentialisation du régime ou au moins à l’adaptation à son caractère présidentiel. Dès lors les socialistes devraient enfin tirer les conséquences de cette logique présidentielle.

C’est exactement le contraire qui s’est passé à propos de l’accord entre les deux partis la semaine dernière. A partir du moment où les écologistes avaient décidé de présenter un candidat à l’élection présidentielle, les socialistes auraient dû attendre, comme François Mitterrand l’avait fait pour les communistes en 1981, les résultats de l’élection présidentielle pour poser la question d’une alliance politique avec lui. C’est le président élu qui aurait dû alors engager la négociation éventuelle avec le parti écologiste englobant un accord politique qui à la fois soit conforme au rapport de forces politique et comporte un engagement commun de gouvernement. Or le Parti socialiste a agi de manière exactement inverse, entamant les négociations portant en particulier sur la question des investitures législatives, avant même la désignation du candidat et la publication de sa plate-forme présidentielle et donc, à plus forte raison, avant son éventuelle élection. Cette négociation conduite par la Première secrétaire du parti, par ailleurs candidate malheureuse à la désignation, aurait pu au moins être interrompue en attendant que François Hollande ait développé sa propre vision d’un accord éventuel avec les écologistes. Au contraire, pour on ne sait quelle raison, le Parti socialiste a voulu signer cet accord le plus rapidement possible sans en confier la responsabilité au candidat désigné.

Est apparue alors une dyarchie politique désastreuse. D’un côté une Première secrétaire qui, de son propre chef, élabore un accord de type parlementaire –explicitement un accord de majorité- avant même l’élection présidentielle, disjoignant ainsi les deux consultations et faisant comme si la dimension parlementaire du régime était sa dimension principale, de l’autre, un candidat désigné qui doit assurer la direction de la campagne présidentielle. De manière stupéfiante cet accord ne comporte aucun accord de gouvernement ce qui aurait été impensable pour François Mitterrand. Quelle est alors la véritable signification politique de cet accord ? Les socialistes ont accordé aux écologistes un groupe parlementaire alors que ceux-ci feront à la fois campagne contre eux à l’élection présidentielle et ne s’engagent pas à gouverner avec eux en cas de victoire. Plus encore, ils n’excluent pas d’utiliser ce groupe parlementaire pour combattre la politique nucléaire d’un éventuel gouvernement socialiste et ce que l’on peut comprendre puisque le Parti socialiste ne disposera alors d’aucune arme pour contrer cette critique.

Ceci nous ramène à une figure historique bien connue de la gauche française. En 1924, les socialistes et les radicaux signèrent l’accord du cartel des gauches, « accord d’une minute » comme les socialistes le désignèrent alors, accord qui était électoral et politique mais non pas accord de gouvernement. Les socialistes refusèrent en effet de gouverner avec un parti politique qui, selon eux, était condamné par l’histoire. En 1936, les communistes signèrent l’accord du Front populaire avec les socialistes et les radicaux, accord qui ne déboucha pas sur la participation du parti communiste au gouvernement, celui-ci se réservant « le ministère des masses ». Il estimait alors que la social-démocratie était condamnée par l’histoire et ne pouvait donc pas concevoir un véritable accord de gouvernement avec elle. Dans les deux cas la gauche échoua rapidement.

Il se peut que le refus de signer un accord de gouvernement, cette fois venant des Verts, se fonde à nouveau sur l’idée que la social-démocratie est condamnée par l’histoire. Mais la différence avec la Troisième République est que les institutions de la Vè République, dont François Mitterrand avait en son temps utilisé toutes les ressources, permettent aujourd’hui au parti socialiste de profiter au maximum du rapport de forces présidentiel pour fixer la configuration de sa future majorité politique. Or le Parti socialiste s’est comporté comme si le régime politique français demeurait fondamentalement un régime parlementaire. N’y a-t-il pas quelque incohérence à signer un accord de majorité parlementaire avant même de connaître le résultat des deux tours de l’élection présidentielle et sans engagement gouvernemental du partenaire éventuel ?

Une fois de plus, la nature même du parti socialiste apparaît incertaine : est-il d’abord un parti parlementaire ou un parti présidentiel ? Son vrai leader, dans une campagne présidentielle, est-il son candidat ou sa première secrétaire ? L’absence de réponse à cette question se révèle, comme on vient de le voir, très préjudiciable à la réussite de la campagne du candidat socialiste. Décidément, les socialistes devront réfléchir à frais nouveaux au type de régime politique qu’ils souhaitent mais aussi et surtout à celui dans lequel ils mènent de fait leur action. Ve République ou VIe République ? Les socialistes finiront-ils par donner une réponse claire et définitive à cette question ? Une telle clarification leur permettrait sans doute d’éviter de répéter l’invraisemblable imbroglio de cet accord improbable avec le parti écologiste.