Lutte contre la pauvreté. Chine 1 - Occident 0 edit
Le Parti communiste chinois apprécie les anniversaires. Il y a un an, en juillet 2021, il célébrait le centenaire de sa création. Afin de fêter l’événement, les autorités avaient, depuis des années, planifié pour cette date la fin de la pauvreté. Le PCC voulait, selon ses mots, « parachever l’édification intégrale de la société de moyenne aisance ». L’an dernier, le pouvoir, à son plus haut niveau, a plusieurs fois applaudi la réalisation d’un tel objectif. Le président Xi Jinping a parlé, fin février 2021, de « miracle humain qui marquera l'histoire ».
Que disent les chiffres ? Incontestablement, l’empire du Milieu mérite la première place au palmarès des pays où la pauvreté a le plus reculé. Des centaines de millions de personnes, d’abord dans les villes puis dans les campagnes, ont vu leur pouvoir d’achat passer au-dessus du seuil quotidien de 1,9 dollar tel que fixé en tant que borne globale de la pauvreté monétaire par la Banque mondiale. Avec cette approche, les données officielles chinoises soulignent une réussite.
Il n’en va pas exactement de même selon d’autres critères. La Banque mondiale produit d’autres données sur la pauvreté. Avec un seuil de pauvreté à 3,2 dollars par jour, la Chine compte encore près de 100 millions de pauvres. Avec un seuil à 5,5 dollars, on y recense près de 400 millions de personnes pauvres (soit 30% environ de la population). Sous ce seuil de pauvreté qui correspond, grosso modo, à celui de la Bulgarie, le taux de pauvreté chinois est plus élevé que dans le pays le plus pauvre de l’Union européenne.
Faire varier les définitions et gloser sur la qualité des données chinoises n’invalident pas le constat d’une double dynamique d’extraction de la grande pauvreté pour une partie très importante de la population et d’affirmation des classes moyennes.
Sur un plan statistique, nombre de débats de précision restent ouverts. Sur un plan politique et symbolique, le volontarisme chinois paye. Car, symétriquement, en Occident, de piètres résultats pèsent. On peut revenir d’abord aux États-Unis du début des années 1960. Le président Johnson lance alors la « guerre contre la pauvreté ». Le projet s’avère tout aussi grandiose que celui du PCC un demi-siècle plus tard. Il s’agit de mettre un terme à la pauvreté. Avec une date-cible à l’esprit, juillet 1976, afin de magnifier le bicentenaire de la Déclaration d’indépendance.
Il n’en aura rien été. Les Républicains moquent encore aujourd’hui, dans cette guerre, la victoire de la pauvreté. Les Démocrates, de leur côté, déplorent un virage vers une guerre contre les pauvres. En tout état de cause personne, aux États-Unis, ne considère la pauvreté comme éliminée.
En France, où Hugo déjà voulait abolir la misère, personne n’oserait jubiler sur la situation. De son côté, l’Union européenne, dans les années 2000, s’était lancée dans les visées ambitieuses. La stratégie européenne dite de Lisbonne voulait « faire un pas décisif vers l’élimination de la pauvreté ». Déçues, ces ambitions n’ont pas été répétées.
Bien entendu, les critères de délimitation de la pauvreté ne sont pas les mêmes et les comparaisons conduisent parfois à des surprises. Sur le plan des images et de la géopolitique, la leçon est plus claire. Alors que la Chine claironne ses résultats quant à la maîtrise de la pauvreté et à la consolidation de ses classes moyennes, l’Occident, dans son ensemble, déplore le maintien de la pauvreté et l’effritement de ses classes moyennes.
Des vases communicants économiques expliquent pour partie ces évolutions conjointes. Dans la compétition des modèles sociaux et des régimes politiques, le Parti-État chinois se prévaut d’une certaine efficacité. Les démocraties libérales mettent en avant la liberté et critiquent, entre autres choses, opacité et autoritarisme. Le volontarisme, sur le registre de la pauvreté, semble parfois leur faire défaut.
Le sujet prend plus d’importance encore dans l’après Covid, avec une Chine se voyant bientôt libérée de la pauvreté, et un Occident empêtré dans une pauvreté résiduelle qui se perpétue sans cesse. Il suffirait de changer d’indicateurs, disent les malins. Ceci ne changerait pas les appréciations des opinions publiques, teintées d’optimisme en Chine et de défaitisme en Occident.
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