Une réforme: fusionner les congés familiaux edit
Depuis de nombreuses années le congé parental fait l’objet d’interrogations et d’expertises, de révisions et de nouvelles propositions. Alors qu’il a évoqué un « réarmement démographique » – avec un vocabulaire discuté – début 2024, Emmanuel Macron a, une nouvelle fois, plaidé pour une réforme de cet instrument de la politique familiale.
Des débats se concentrent donc sur le congé parental d’éducation (c’est son appellation officielle) et, plus précisément, sur son indemnisation. Or cette dimension de congé du fait des enfants n’en est qu’une, au sein d’un sujet plus vaste qui est celui des congés familiaux.
Un maquis compliqué
L’ensemble des possibilités de congés familiaux constitue maintenant un maquis. Par congés familiaux, il faut entendre les congés pour événements familiaux (naissance, mariage, PACS, décès de proche) mais aussi le congé parental d’éducation ou encore le congé de présence parentale ou le congé de proche aidant. Ce maquis se complique d’autant plus qu’aux congés s’ajoutent les autorisations d’absence qui ont tendance à se multiplier.
Ces congés reposent sur une diversité de règles, avec des conditions d’accès, d’acceptation, d’indemnisation et d’articulation qui varient, en lien avec l’objectif auquel ils entendent respectivement répondre. L’ensemble s’est, comme souvent, façonné ou réformé par sédimentations successives, parfois pour répondre à des urgences (décès d’un enfant), parfois pour tenter de réformer une partie de l’édifice (indemnisation du congé parental).
Les experts s’y perdent. Les gestionnaires également. Surtout, les destinataires n’y voient pas clair. Produire un mode d’emploi simplifié s’avère nécessaire. Plus au fond, un chantier doit s’ouvrir pour rationnaliser ce système. Le sujet est, à certains égards, sensible, et même parfois tendu. Il est fait de garanties importantes contenues dans la loi et d’une variabilité des conventions collectives. Il se vit, dans l’entreprise, avec de la souplesse et un dialogue de proximité afin de s’adapter aux situations.
Aujourd’hui accessibilité et intelligibilité de l’édifice d’ensemble font partiellement défaut. Sempiternellement, le congé parental se confond avec son indemnisation. La multiplicité des offres peut dérouter. La France est plutôt bien dotée, mais les Français ont du mal à saisir pleinement la logique des instruments et à s’en saisir concrètement.
Si l’on prend l’exemple du congé paternité, celui-ci contient, quand il est présenté au salarié, le congé de naissance. Ce dernier est rémunéré par l’employeur. L’indemnisation du congé paternité, comme le congé maternité, s’effectue par la branche maladie de la Sécurité sociale (la CPAM dans la grande majorité des cas). Cette indemnisation peut être complétée par l’employeur. Si par la suite le salarié veut poursuivre sa présence auprès de son enfant, en passant par un congé parental d’éducation, il devra en faire, à nouveau, la demande à l’employeur et s’adresser à la banche famille (la CAF dans la très grande majorité des cas) pour être indemnisé. Les experts et gestionnaires voient de quoi il s’agit. Mais le salarié peut se sentir un peu perdu. Et encore, cet exemple envisage un cas aisé à contenu plutôt classique.
Le cas se complique d’ailleurs si l’on étend le sujet aux indépendants. Ceux-ci ont entendu que le congé de paternité et d’accueil de l’enfant avait, globalement, doublé, pour passer à 28 jours. Or ils n’en comptent que 25, car ils ne peuvent y ajouter les trois jours de congé de naissance (dont ils ne bénéficient pas car précisément ils ne sont pas salariés).
Plus généralement, face aux congés familiaux, le travailleur trouve des interlocuteurs qui varient : employeur (pour les salariés), CAF et CPAM (pour le régime général et maintenant les indépendants). Ce sont des interlocuteurs pour disposer d’autorisations et d’indemnisations qui sont fonction de règles bariolées. Les périodes des différents congés ne sont pas de même nature au titre du droit du travail. La durée du congé de naissance est assimilée à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée du congé payé annuel. Le congé de paternité et d'accueil de l'enfant entraîne la suspension du contrat de travail. La règle vaut aussi pour le congé parental d’éducation à temps plein.
Bien évidemment, tous ces congés n’ont pas la même histoire, ni la même nature, ni la même visée. Le congé maternité aura toujours une dimension sanitaire de protection de la mère qui ne se trouvera jamais vraiment dans le congé paternité, sauf dans sa dimension de répit.
Par ailleurs, de nombreux nouveaux congés, courts, ont été établis par les textes. De façon récurrente de nouvelles demandes de constitution d’un congé complémentaire sont émises, au risque de voir continuellement s’allonger la liste des congés thématiques au gré des sujets qui se révèlent.
Construire un régime harmonisé des différents congés familiaux
Tout cela appelle clarification et simplification. Plutôt que de continuer à modifier les règles en fonction des événements et des ajouts, un cadre global général peut s’envisager. La réforme structurelle peut ensuite digérer toutes les révisions paramétriques.
Le chantier est compliqué. Car il n’y a rien de plus compliqué que de simplifier.
Si l’on se place du double point de vue des entreprises et des actifs, ouvrir le dossier se légitime pleinement.
Un tel chantier aboutit à une gestion optimisée, sans coûts supplémentaires pour les employeurs, avec des risques de litiges et de contentieux diminués.
La démarche globale consiste à produire un congé familial unique à tiroirs. L’ambition générale doit être non pas de continuer à empiler des réponses mais à simplifier la vie, celle des personnes, celle des entreprises.
Du côté de la naissance, alors que CAF et CPAM élaborent un « parcours naissance », l’éclatement et la multiplicité des acteurs complexifient encore le circuit de prise en charge de l’usager. Méconnaissance et incompréhension limite ses options effectives. De nombreux acteurs interviennent, en effet, autour de la naissance (PMI, CAF, CPAM, Pajemploi). Les parents endossent tour à tour puis simultanément plusieurs rôles : patients (durant la grossesse), bénéficiaires de prestations avec des besoins financiers, salariés ou demandeurs d'emploi en recherche de mode de garde et potentiels employeurs.
L’idée générale consiste à unifier le régime et les dénominations des congés familiaux, et pas uniquement autour de la naissance. Ainsi, singulièrement, congé de présence parentale, congé de solidarité familiale et congé de proche aidant, au régime juridique et aux formes proches, pourraient fusionner et s’inscrire dans un plus vaste ensemble unifié.
Plusieurs propositions peuvent alimenter l’amélioration des situations.
Aller vers un point d’entrée unifié et un opérateur unique
Le premier pas passe par un front office unique, avec, possiblement, une entrée de type congefamiliaux.fr sur les sites monenfant.fr et mesdroitssociaux.gouv.fr par exemple. Un accueil téléphonique et, mieux, un accueil physique communs s’envisagent aussi. Tout ceci incarnerait pleinement le nécessaire rapprochement des services CAF, CPAM et même PMI.
Dans un deuxième temps, un congé familial à tiroirs s’élabore. Sous dénomination et régime de gestion unique, il sera clair pour tous ceux qui le souhaitent (parents) et pour ceux qui ont à le gérer (entreprise).
Dans un troisième temps, un opérateur unique se choisit. Du côté des financements et de la gestion des indemnisations, il pourrait être judicieux de faire basculer ce qui relève historiquement de la branche maladie vers la branche famille. Historiquement, toutes les prestations de type indemnités journalières ont été affectées à la branche maladie pour des questions d’accès aux informations et de moteurs de calcul conçus pour traiter cette logique assurantielle individuelle.
Le sujet est compliqué techniquement et sensible politiquement. Il mérite d’être traité frontalement. Cette réforme doit, en tout cas, aboutir à un schéma plus efficace en ce qui concerne financements, interlocuteurs, modalités de gestion, paramètres (préavis par exemple).
La réforme dans son ensemble – comme toujours – n’a rien d’évident. Des problèmes d’articulation entre systèmes d’information et données nécessaires à la gestion des droits, notamment, seront à résoudre.
Reste qu’une gestion plus fluide de ces droits et de ces situations passe par ces propositions allant jusqu’à une unification, sous dénomination unique donc, du régime des congés familiaux.
Il s’agit d’une révision substantielle du droit du travail et du droit de la sécurité sociale. Il s’agit aussi d’une opération très consistante, en plus, du côté conventionnel. Car, par accords collectifs, usages ou décisions unilatérales de l’employeur, ces dispositifs peuvent être améliorés (participation financière de l’employeur, durée plus longue, etc.). Bref, il s’agit d’un chantier conséquent à ouvrir.
Quelle visée essentielle ? De la transparence pour une gestion efficace de cette offre, avec un recours optimisé des parents, et des passerelles idoines entre les différentes formules (sans jongler, comme ce peut être souvent le cas, avec les congés maladie et le chômage). Le nouvel édifice doit permettre de mieux gérer l’ensemble des autorisations d’absence et congés pour raisons familiales qui ne sauraient se multiplier à l’infini.
Les éléments de ce chantier ambitieux se résument sur quatre registres :
1. Une triple ambition : simplification pour les parents et pour les entreprises ; optimisation des recours ; fluidification des parcours et des passages entre différents congés.
2. Une reconfiguration des congés en trois catégories : autour de la naissance et de l’accueil ; autour de la vie quotidienne ; autour des événements graves.
3. Une révision du contenu des droits : durée ; éligibilité ; indemnisation.
4. Une harmonisation de la gestion des droits : guichet unifié ; démarches recomposées ; obligations et préavis coordonnés.
S’ajoute à ces quatre principaux registres, le dossier de l’assurance vieillesse des parents au foyer. Cette AVPF consiste en des cotisations versées par la branche famille à la branche retraite, pour des périodes non travaillées ou travaillées à temps partiel, pour élever des enfants ou s’occuper d'un enfant ou d'un proche handicapé ou malade. Elle doit être réformée dans le contexte d’une réforme plus ambitieuse encore, celle des retraites. Elle doit être prise en compte dans la révision proposée ici des congés familiaux.
Bref, il y a du pain sur la planche de la simplification. Il faut maintenant du bon vouloir.
Annexe. Principaux congés familiaux (sources : DSS)
Congé maternité
Nombre de bénéficiaires : 577 580 en 2019 (RG + RSI + MSA), 558 240 en 2020 (RG + RSI + MSA)
Coûts 3 Md € en 2019, 2,9 Md € en 2020
Éligibilité : pas de conditions d’ancienneté
Gestion : CPAM dans le privé
Financement : Branche maladie
Congé paternité
Nombre de bénéficiaires : 342 670 en 2019 (RG + RSI + MSA), 323 930 en 2020 (RG + RSI + MSA)
Coûts : 236 M€ en 2019, 228 M€ en 2020
Éligibilité : pas de conditions d’ancienneté
Gestion : CPAM dans le privé
Financement : Branche famille
Congé parental d’éducation (CPE)
Nombre de bénéficiaires : 265 255 (juin 2019) Il s’agit ici des congés parentaux indemnisés (PreParE)
Coûts : 922 M€ (2019). Il faut ajouter, sur long terme, les coûts de l’AVPF.
Éligibilité : conditions d’ancienneté
Gestion : CAF-MSA
Financement : Branche famille
Congés pour événements familiaux (naissance, adoption, mariage, PACS, décès de proche)
Éligibilité : pas de conditions d’ancienneté
Gestion : employeur (jusqu’en 1986 le congé de naissance était indemnisé par la CAF)
Congé enfant malade
Pas d’indemnisation
Éligibilité : pas de conditions d’ancienneté
Gestion : employeur
Congé présence parentale (CPP) pour enfant malade grave
10 165 bénéficiaires de l’AJPP au 31 décembre 2019.
Coûts : 94,6 M€ en 2019.
Éligibilité : certificat médical pour l’enfant
Gestion : CAF-MSA
Financement : Branche famille
Congé proche aidant (CPA)
Remplace le congé de soutien familial depuis 2017
Depuis AJPA (au 9 mai 2021) : 3 179 demandes peuvent donner lieu à une ouverture de droit à l’AJPA.
Pas encore de bilan.
Éligibilité : pas de conditions d’ancienneté. Être en activité et apporter son aide à une personne en GIR I à III ou avec taux d’incapacité de plus de 80%
Gestion : CAF-MSA
Financement : Branche autonomie
Congé de deuil
Nombre de bénéficiaires : 455 du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021
Coûts : 227 000 €
Éligibilité : pas de conditions d’ancienneté
Gestion : CPAM dans le privé
Financement : Branche maladie
Congé de solidarité familiale (CSF)
601 bénéficiaires en 2019 (RG), 591 bénéficiaires en 2020 (RG)
Coûts : 0,5 M€
Éligibilité : pas de conditions d’ancienneté
Gestion : CPAM dans le privé
Financement : Branche maladie
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