PS : l’incontournable question du leadership edit

16 septembre 2009

La sortie télévisée de Ségolène Royal sur les fraudes ayant entaché l’élection de Martine Aubry confirme ce que l’on savait : l’université d’été de La Rochelle n’a réglé aucun des problèmes de fond dans lesquels le Parti socialiste est inextricablement englué. Comment se définir comme un parti d’opposition capable d’incarner l’alternance en 2012 ? Pour répondre à cette question essentielle, la position officielle consiste à donner la priorité à la construction d’un projet politique crédible, avant de procéder à la désignation d’un candidat. En théorie, cet argument n’est pas dénué de sens. Dans les faits, il est contestable et ce pour quatre raisons.

1. Le système institutionnel dans lequel nous vivons est dominé par l’élection présidentielle. Cette échéance a d’ailleurs été pleinement intégrée par tous les partis politiques y compris par le Parti socialiste. Comment donc expliquer le refus de la direction du parti à mettre en avant la question du leadership. Il y a cela une explication essentielle : la volonté de neutraliser toute ambition politique personnelle qui ferait vivre au PS la situation qui fut la sienne lors des dernières élections présidentielles. Ce choix traduit donc des enjeux de pouvoir évidents. Mais on aurait tort de croire que le problème se limite à cela. Souvenons-nous de Pierre Mendès France refusant de se lancer dans l’aventure de l’élection présidentielle au suffrage universel. Souvenons-nous a contrario de François Mitterrand qui fut le premier à comprendre que l’élection présidentielle était la seule chance pour la gauche d’arriver au pouvoir. Il est donc pour le moins assez surprenant de voir un parti qui se veut l’héritier de François Mitterrand refuser cette personnalisation du pouvoir, même si ce dernier n’était pas au départ socialiste, ce qui explique peut-être d’ailleurs son absence de scrupules par rapport à la question du leadership. Sous la Ve république il n’y a aucun exemple de programme politique précédent la désignation d’un leader sauf dans les partis sans ambition présidentielle. Et le parangon en est Nicolas Sarkozy. Au demeurant, la relation entre projet et leader est dialectique. Plus un leader se montrera capable d’incarner un certain nombre d’idées plus il a des chances d’entraîner dans son sillage son propre camp et les Français. Car la question du charisme reste essentielle en politique. C’est la raison pour laquelle les questions du projet et du leader se doivent d’être intimement liées et non dissociées.

2. Outre la nature présidentielle du système politique dans lequel nous vivons, il faut tenir compte de l’extraordinaire personnalisation du pouvoir dans une société hyper médiatique. Le meilleur exemple est celui de Daniel Cohn-Bendit qui a porté haut les couleurs d’Europe écologie. Sans son leadership, les listes qu’il dirigeait n’auraient certainement pas eu le succès qu’elles ont connu.

3. Si le gel de la question du leadership obéit à des questions tactiques il ne faut pas pour autant croire que la mise en avant de la question du projet obéisse à des principes immaculés. Dans les phases de combat interne, le projet est utilisé comme une ressource politique face à des rivaux qu’il faut diaboliser idéologiquement puisque nous savons tous que les socialistes abhorrent les conflits de personnes. Pendant le congrès de Reims la volonté délibérée d’écarter Ségolène Royal de la direction avait été expliquée par ses adversaires par le fait qu’elle incarnait un projet différent. Depuis on nous dit qu’elle s’est rapprochée de la direction sans que l’on sache véritablement si ce rapprochement exprime une convergence politique ou s’il obéit purement et simplement à des considérations tactiques liées à l’affaiblissement simultané de Ségolène Royal et de la direction. En réalité, l’accent mis sur le projet est un moyen pour la direction du Parti socialiste de gagner du temps en espérant que les prochaines élections intermédiaires se montreront électoralement plus clémentes. Le prompt rétablissement pourra alors être mis sur le compte sur la vigueur du travail sur le projet… C’est la thèse du parti se mettant au travail.

4. Reste la question du projet à proprement parler. Là encore, le problème est très mal posé. Les difficultés que connaît le Parti socialiste ne sont pas liés au fait qu’il aurait du mal à mobiliser un savoir expert sur la société et à le convertir en un projet opérationnel. Le fond de l’affaire vient du fait que ce parti ne sait tout simplement pas ce qu’il est lui-même. Il ne sait plus en quoi croire, et ne sait plus quoi dire et cela malgré l’échec patent de la politique de M. Sarkozy. Dans ces conditions, imaginer que la mobilisation d’experts en tout genre, la multiplication d’enquêtes ou d’études prospectives à 30 ans (!) permettront au parti de sortir de l’ornière paraît surprenant. Le véritable enjeu pour le PS n’est pas un enjeu de savoir mais d’énonciation politique. Or pour proposer un énoncé politique il faut faire un certain nombre d’hypothèses sur le monde et sur la société, sur les alliances. Ces hypothèses, ce ne sont pas les experts qui peuvent les faire. Dans des sociétés en mutation permanente où le changement technologique s’accélère il est illusoire de tirer des plans sur la comète à échéance aussi longue alors que sur un point aussi élémentaire que celui des alliances politiques il y a aucune position commune faute d’accord interne. Plus que jamais la question du leadership devient essentielle pour mener la barre d’un bateau lesté par tant de défaites.