Retraite : les réformes britanniques edit

7 décembre 2010

Le système de retraites britanniques figure parmi les plus complexes, avec trois composantes principales : la retraite servie par l'État, les complémentaires et des prestations ciblées en fonction des moyens. Les réformes récentes accentuent la différence de conception avec le modèle français, tant dans les problèmes identifiés que dans les solutions apportées.

La pierre angulaire du système est depuis 1948 la Basic State Pension (BSP), servie par l’État selon un modèle inspiré par les rapports de Lord Beveridge. C’est une prestation à taux unique, versée à tous ceux qui ont atteint l’âge légal et qui ont cotisé suffisamment au cours de leur vie professionnelle. Depuis 1980, la BSP a été formellement indexée sur l'inflation, si bien que sa valeur relative a décru : alors qu’elle représentait 26% du revenu moyen en 1979 le chiffre est tombé à 16% en 2008. Le taux plein de la BSP est aujourd’hui de 97,65 livres sterling par semaine, soit environ 115 euros.

Le montant des retraites complémentaires est quant à lui fonction des revenus antérieurs. Le système actuellement en vigueur est le State Earnings-Related Pension Scheme (SERPS) mis en place par les travaillistes en 1978, auquel ont droit de nombreux retraités et dont bénéficieront encore des salariés aujourd’hui proches de la retraite. En 2002 il a été remplacé par la State Second Pension (S2P), à laquelle auront droit la majorité de ceux qui sont aujourd’hui en activité. Les réformes apportées au SERPS depuis 1978 l’ont rendu substantiellement moins généreux, et quant à la S2P, malgré son introduction relativement récente, elle a été déjà réformée, de sorte qu’en 2030 les pensions complémentaires ne seront plus indexées sur les revenus antérieurs mais auront un taux unique. Elles deviendront ainsi un simple étage supplémentaire de la BSP.

Il y a enfin des prestations calculées en fonction des revenus dont disposent les retraités. Ciblant les publics en difficulté, elles contribuent à réduire la pauvreté chez les personnes âgées. Mais elles ont été critiquées au motif qu’elles décourageaient l’épargne, et des réformes récentes ont été menées afin d’y remédier. Le législateur britannique a estimé que les individus pourraient avoir tendance à épargner insuffisamment et à prendre leur retraite trop tôt, avec une pension excessivement faible.

Les réformes récemment mises en œuvre touchent au montant de la pension de base, à l’âge de la retraite et à un régime obligatoire d’épargne retraite abondé pour partie par les employeurs.

Le niveau des retraites de l'État. Depuis avril 2010, ceux qui atteignent l’âge de la retraite peuvent se qualifier plus facilement pour la BSP. En particulier, les nouvelles règles facilitent les choses pour ceux qui ont connu des ruptures de carrière, comme les femmes sorties quelques années du marché de l'emploi pour élever une famille. Le nouveau gouvernement a aussi annoncé qu’à partir de 2011 la BSP serait augmentée chaque année au minimum de 2,5%, un chiffre qui peut être relevé pour être indexé sur celui de l’inflation ou celui de l’augmentation du revenu moyen, s’ils s’avèrent supérieurs. En revanche, la S2P va devenir moins généreuse, avec des augmentations indexées sur l'inflation, qui est en général moins élevée.

L’âge de départ. Depuis 1948 il était fixé à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. Dès 1995 il a été annoncé que l’âge minimum du départ pour les femmes augmenterait peu à peu et les réformes récentes continuent sur cette ligne. D’ici à 2020 il devra être aligné sur celui des hommes. Lequel augmentera également, pour compenser l’augmentation du montant des pensions et encourager un départ à la retraite plus tardif. Une loi de 2007 prévoyait déjà d’élever l’âge de départ à 66 ans entre 2024 et 2026 puis à 68 ans en 2046. Le nouveau gouvernement a annoncé en octobre 2010 qu'il accélérait la transition, avec le passage à 66 ans prévu désormais pour 2018.

Épargne retraite. Dès 2012 les employeurs devront inscrire la plupart de leurs salariés dans des régimes d'épargne retraite répondant à certaines normes minimales. Pour les employeurs qui choisiront le nouveau National Employment Savings Trust (NEST, créé en 2008), la contribution sera de 8% des revenus (entre un niveau minimum et un niveau maximum), dont 3% seront à la charge de l'employeur, 4% à celle du salarié et 1% versés par l’État sous forme de dégrèvement sur les charges patronales. Les salariés pourront choisir de sortir de ces régimes s'ils le souhaitent, mais ils perdront alors la contribution employeur. Le choix par défaut sera de rester dans ce nouveau régime. Pour ceux qui ne bénéficient pas encore de plans d’épargne retraite et devront donc faire un choix d’ici 2012, la cotisation à la charge de l’employeur est censée offrir une incitation à rester dans le nouveau régime.

Les réformes récentes constituent un rééquilibrage du système. Elles ont rendu les retraites de base un peu plus généreuses et davantage de personnes y auront droit, ce qui devrait réduire à l’avenir le besoin d’aides spécifiques au bénéfice des retraités les plus pauvres. Les réformes visent aussi à faire assumer aux personnes le supplément de revenu par rapport au régime de base. Cela passe par l’égalisation et la décrue programmée de la State Second Pension, d’une part, et de l’autre par les incitations en faveur de l’épargne retraite. Enfin, avec l’augmentation progressive de l’âge minimum légal, l’âge de départ moyen devrait s’élever, même si une partie des futurs pensionnés ne pourra pas, ou ne voudra pas, aller jusqu’à 68 ans.

Pour achever ce rapide tour d’horizon, il faut enfin rappeler que le système actuel a toutes les chances d’être modifié à court et moyen terme. Malgré des réformes radicales en 1998, 2002 et 2006, dont la dernière citée visait explicitement à instituer « une nouvelle structure du système de retraites au Royaume-Uni pour le long terme », les réformes ont continué depuis quatre ans. On peut d’ores et déjà prévoir la prochaine, qui devrait être la fusion de la S2P et de la BSP.

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