Paris et la révolution de la mobilité edit

19 octobre 2016

Pendant qu’à Paris, on se déchire sur l’avenir de trois kilomètres de bitume, le secteur des transports connaît une révolution mondiale que l’on peut comparer sans exagérer à la combinaison de l’invention du chemin de fer et de celle de l’automobile.

Les véhicules seront électriques et connectés et l’intelligence artificielle permettra la conduite autonome des véhicules. Ainsi la mobilité devient un service, la frontière entre transports collectifs et transports individuels disparaît et avec elle la frontière entre transports subventionnés et non subventionnés.  Les données collectées sont utilisées pour optimiser et mutualiser les déplacements jusqu’au déplacement partagé, à la demande, individuel ou collectif.

Les conséquences de cette révolution des mobilités donnent le vertige dès qu’on y réfléchit un peu. La construction automobile, l’énergie, les services de transports, la logistique, les assurances, le BTP,  toutes ces activités ne seront plus les mêmes dans vingt ou trente ans. La généralisation du véhicule autonome pourrait rendre obsolètes les parkings et les places de stationnement en surface et restituer aux circulations douces beaucoup plus que 3,3 km d’autoroute urbaine. Le « platooning » c’est-à-dire la composition de trains de bus autonomes et électriques en fonction de la demande réelle de transport pourrait se substituer progressivement aux métros enterrés, aux tramways et aux bus tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Les constructeurs  automobiles comme les « GAFA » investissent massivement sur le véhicule autonome, les assureurs se préparent déjà à ce choc financier, ils savent tous que la chaîne de valeur et les modèles économiques en seront bouleversés et que la vente de véhicules à des particuliers deviendra marginale dans cette nouvelle donne. La mobilité comme service deviendra la norme.

Et pendant ce temps, que font les pouvoirs publics ? Comme souvent, ils font un peu, mais trop peu et trop tard. Il faut expérimenter beaucoup, investir massivement, changer la réglementation vite et planifier avec toutes les parties prenantes.

Par miracle, la France est un leader mondial des navettes autonomes, notamment parce que les États Unis ont abordé le sujet par le seul angle qu’ils connaissent : le véhicule individuel. Avec ses atouts, la France pourrait être à l’avant-garde du transport collectif propre et autonome.

Ce sont ces systèmes qui permettront de garantir à tous un accès à la mobilité pour des coûts modérés en apportant une réponse sérieuse aux urgences environnementales que constituent la réduction des émissions gaz à effet de serre et la lutte contre la pollution de l’air.

L’un des principaux acteurs de cette révolution, l’autorité organisatrice de mobilité en Ile-de-France, le STIF,  doit s’affranchir d’une certaine aversion pour l’innovation de rupture, et accompagner la montée en puissance de ces technologies, en particulier celles portées par des startups françaises comme Navya et Easymile.

Pour réussir le pari du transport collectif autonome, nous avons besoin d’une vision partagée qui pense le court et le long terme, cette vision partagée doit être construite dans le cadre d’une conférence métropolitaine qui devrait réunir toutes les parties prenantes publiques et privés. Cette vision partagée doit être produite vite, très vite car le temps presse, les décisions d’investissements du STIF doivent être prises vite, très vite car la concurrence est rude et seules quelques grandes villes seront à la pointe du développement de cette nouvelle mobilité.

Cette vision doit se fixer des objectifs ambitieux,  environnementaux et sociaux: la fin des émissions de particules fines avant 2025, l’objectif de neutralité carbone d’ici 2030, l’accessibilité pour tous et la complémentarité avec les mobilités actives (marche, vélos, etc.)

La Ville de Paris est prête pour agir dans cette mutation, elle  veut expérimenter très rapidement des liaisons en navette autonome en site ouvert, en commençant avec la RATP par une démonstration sur le pont Charles de Gaulle entre les gares de Lyon et d’Austerlitz, avant la fin de l’année. Ces navettes auront aussi un rôle à jouer pour développer le transport à la demande dans des zones mal desservies comme les bois parisiens, et surtout dans le périurbain. La grande couronne francilienne pourra ainsi en bénéficier pour faciliter l’accès à la demande aux gares  du réseau Transilien.

Des expérimentations pourraient aussi être menées sur des voies rapides réservées aux navettes autonomes. Une priorité devrait être donnée à la liaison entre Saclay et Paris pour permettre aux milliers d’étudiants qui rejoindront dès 2019 ce nouveau pôle scientifique et universitaire d’avoir une solution de transport efficace et accessible.

Le temps presse, il est indispensable que tous les acteurs prennent conscience de cette révolution des mobilités, de ce qu’elle exige d’eux et des actes audacieux qu’il faut poser pour  la mener à bien.